Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je gémirai, quand je lirai ce livre,
D’avoir connu la raison sans la suivre.
Mais si je dois pleurer ma faute un jour,
Et s’il est dit que des bras d’une fille
J’irai pleurer au manoir où l’on grille,
Dépêchons-nous de m’enivrer d’amour.
Ce faible Amant qui brûla pour Lesbie,
Qui la baisait sous les ombrages verts,
En ce moment brûle dans les enfers.
Il est donc dit qu’au sortir de la vie,
Pareil destin attend tous les pervers.
Ah ! pleurez-moi, vous qui lirez ces vers !
Je tomberai peut-être dans les flammes,
Près de Laïs, ou Glycère, ou Campasmes ;
Là je verrai bras délicats et ronds,
Dans les fourneaux meurtris par les Démons,
Gorge d’albâtre, autrefois caressée,
Yeux pleins d’amour, abattus de tourmens ;
Bouche jadis par un amant pressée,
Remplissant l’air de douloureux accens.
Plus de baisers, plus de ris, plus d’amans,
Et pour toujours. Ah ! gouffre de misère,
Je puis au moins te braver sur la terre !
Je m’écartais ici de mon objet ;
Car maint Lecteur aime qu’on moralise ;
Mais il ne faut oublier son sujet.
J’ai parlé d’or. Il faut que je vous dise
Où s’égara l’amour de Balourdise,
Quand elle vit l’Aumônier, son amant,
L’abandonner si déloyalement.
Elle avait cru qu’un penchant ordinaire
Ramènerait le Moine à ses genoux.
Un mois s’écoule, et l’on se désespère ;
Les vains regrets se changent en courroux.
Elle jura le Saint-Père et l’Église
De se venger d’un cœur qui la méprise,
De Charlemagne et de son peuple entier,
Tous ses Amans, ainsi que l’Aumônier ;