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Du haut des airs précipite son char,
Où combattait le fatal Brandamar.
« Monstre cruel, dont le bras téméraire
« Perça le sein de mon fils Élisaire,
« Viens à ton tour assouvir sous mes coups,
« Et ma vengeance, et son ombre en courroux.
« Bientôt mes mains, au sein d’un mausolée,
« Déposeront sa cendre consolée ;
« J’arroserai son urne de mes pleurs,
« Et les saisons la couvriront de fleurs.
« Pour toi, jamais les larmes maternelles
« N’arroseront tes cendres criminelles ;
« Sur ces rochers les vautours ramassés
« Déchireront tes membres dispersés ;
« À leurs petits, les loups de ces rivages
« Les traineront dans leurs antres sauvages :
« Meurs. » À ces mots, son bras, avec fureur,
De mille coups lui déchire le cœur.
Le Guerrier tombe, et son ombre infidèle
Fuit à jamais dans la nuit éternelle.
Les yeux en pleurs, l’Enchanteresse alors
Cherche son fils dans la foule des morts ;
Sous des chevaux, sans pouls et sans haleine,
Sa mère, hélas ! le reconnut à peine.
Le sang baignait ce sein infortuné,
Où le duvet n’était pas encor né ;
Ce tendre sein, à qui la mort cruelle
A refusé l’étreinte d’une Belle.
Ses yeux fermés, son teint blanc et vermeil
Semblaient marquer un tranquille sommeil.
Vous auriez dit cette charmante rose
Qu’un fer jaloux cueillit à peine éclose !
Elle offre encor son premier incarnat,
Mais sa blessure en a tari l’éclat.
Éleama pousse un cri dans la nue,
Et sur son fils elle tombe éperdue ;
Entre ses bras elle tient embrassé
Ce tendre espoir de son cœur abusé,