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 « Que deviendrai-je à présent sur la terre ?
« Destins cruels, qui me l’avez ôté,
« Délivrez-moi de l’immortalité.
« Ô mon cher fils ! Élisaire ! Élisaire !
« Tes yeux, hélas ! ne verront plus ta mère !
« Heureux époux, la mort et le destin
« Ont épargné ce vautour à ton sein,
« Et moi, des cieux la faveur ennemie,
« Pour vous pleurer, a respecté ma vie.
« Mais ce n’est pas le temps de m’affliger.
« Je dois gémir, mais je dois me venger.
« Démons, sortez de l’infernal abime ;
« À ma fureur, joignez votre fureur ;
« Venez m’aider à trouver ma victime ;
« Et de ma rage empoisonnez son cœur. »
Le mont Adule', à sa voix effrayante,
A tressailli sous sa voûte tremblante.
Elle avait dit, et dans l’air embrasé,
Parmi les feux, son char s’est élancé.
On se battait au Rhin avee furie.
Totila meurt sous les coups de Drastor ;
Richard le preux au discourtois Hetor
Vient d’arracher une coupable vie ;
Gombaud attaque et renverse Ogrifoux,
Et Brandamar porte ses derniers coups.
Le Ciel s’enflamme, on entend le tonnerre,
Et tout à coup, sur un trait de lumière,
Le cœur rempli de ses brûlans transports,
Éleama s’abattit sur ces bords.
À son aspect, les deux partis tremblèrent,
Le Rhin frémit, les forêts s’ébranlèrent ;
Son char, parti sur les ailes des Vents,
Était traîné par des lions volans ;
Leur gueule noire, écumante, enflammée,
Couvrait le mords de sang et de fumée,
Et sur leurs cous des crins étincelans,
D’un vol pressé suivaient les mouvemens.
Éleama, de fureur allumée,