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On n’entendait, ni la voix des Bergers,
Ni les accens des oiseaux printaniers,
Et les échos de ces affreux rivages
Se renvoyaient de rochers en rochers
Les hurlemens de cent monstres sauvages.
Ce n’était plus ce séjour enchanté,
Où les désirs de l’aimable Élisaire,
Des rochers même ornaient l’aridité,
Où la Nature, attentive à lui plaire,
À pleines mains épuisait ses trésors ;
Le Ciel ingrat ne luit plus pour ces bords.
Lorsqu’Élisaire, à la gloire sensible,
Abandonna ces rivages déserts,
Un crêpe affreux, épandu par les airs,
Changea le jour en une nuit terrible.
L’Enchanteresse évoqua les Démons ;
On entendit mugir les Aquilons :
Le feu du ciel couvrit soudain la terre,
Et tout périt, frappé par le tonnerre.
Éleama, depuis ce jour affreux,
Dans les langueurs d’une attente incertaine,
Sur cet objet et d’amour et de peine
À chaque instant interrogeait les Dieux.
C’était au fond d’une caverne horrible,
À la lueur de lugubres flambeaux,
Que les accens de sa bouche terrible
Interrogeaient les monstres infernaux.
En vain trois fois sa voix s’est fait entendre
L’antre mugit, et l’oracle se tait.
Mais ce silence, en son cœur inquiet,
Rendant plus vif un intérêt si tendre,
Sa rage éclate. « On est sourd à ma voix !
« Et depuis quand méprise-t-on mes lois ?
« Esprits impurs, redoutez ma colère ;
« Obéissez, ou craignez le tonnerre.
« Répondez-moi, qu’est devenu mon fils ? »
— Ton fils n’est plus. « Il n’est plus, et je vis !
« Ô mon cher fils ! ô mon cher Élisaire !