Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et sous leurs pieds la terre tressaillit.
Sur des chevaux pêle-mêle ils tombèrent,
Et sur l’arène avec eux se roulèrent,
Couverts de sang, de poudre, et de sueur.
Dans les objets de son culte profane,
Dieu punit l’homme, et Draële, en fureur,
Tout justement mordit mon Salamane
En cet endroit par où mainte Nonnain
Fut polluée, et cessa d’ètre vierge ;
Endroit béni, que la sœur Augustin
Pieusement embrassa pour un cierge.
En blasphémant, il y porta la main.
Mais un peu tard ; le superbe Draële
Montre en riant sa dépouille cruelle.
« Tu peux aller, dit-il d’un ton plaisant,
« Dans nos moutiers trousser les saintes filles,
« Et perforer nos Comtesses gentilles.
« On te prendra pour un jeune innocent ;
« On t’ouvrira les boudoirs et les grilles,
« Et tu devras ces faveurs à ma dent ;
« Tu dompteras des coursiers à ton aise,
« Tu brilleras beaucoup mieux qu’autrefois
« Dans les festins du Marquis de Farnèse,
« Par la souplesse et l’éclat de la voix. »
Mais un grand cri vient de percer les nues.
Quelle terreur a frappé les Saxons ?
Je vois par-tout leurs troupes éperdues
Tourner le dos et voler vers les monts.
C’était Organt, dont la main foudroyante
Semait l’effroi parmi leurs bataillons.
Le seul Odmard à ses yeux se présente.
« Laisse, dit-il. laisse ces vils champions,
« Et par ta chute, ou bien par ta victoire,
« Viens assurer ou ma honte ou ma gloire. »
Leurs coutelas déjà se sont croisés,
Du cliquetis les échos retentissent.
Et, pleins d’effroi, les deux partis frémissent.
Le brave couple, avec agilité,