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« Il est honteux, pour d’aussi braves gens.
« De disputer des degrés et des rangs.
« Le plus beau poste est celui du carnage,
« Et tous l’auront, si tous ont du courage.
« J’ai remarqué que le commandement,
« Ceci soit dit sans vous porter ombrage,
« Était brigué par des lâches, souvent.
« Loin des dangers, et voisin de la gloire.
« Environné de ses gardes nombreux,
« Un général, à l’exemple des Dieux,
« Impunément concourt à la victoire.
« Le plus beau poste est celui du Soldat
« Bravant la mort dans le feu d’un combat.
« Vous vous devez à l’honneur de la France ;
« Chefs ou Soldats, rien n’y fait, mes enfans.
« Soyez Français, vous serez assez grands ;
« Sachez mourir, voilà la récompense. »
Les Paladins, confus à ce discours.
Crièrent tous : Notre Chef est Nemours.
Il s’excusa sur l’âge et sa faiblesse ;
Ce fut en vain on le force, on le presse.
Enfin il cède. À la voix du vieillard,
On s’arme, on court, on s’assemble, l’on part.
Les deux partis arrivent en présence.
La terre au loin gémit sous les coursiers,
Et sous l’airain des pesans Chevaliers.
Les escadrons s’observent en silence,
Tout le vallon est couvert de Soldats,
Le soleil brille, et la plaine étincelle.
Au fond des bois, la tendre Philomèle
Chante l’amour, quand l’on vole au trépas.
On voit en l’air la Discorde cruelle.
Le Général, sur un coursier fougueux,
De rang en rang promène la victoire,
Criant d’un air tranquille et courageux :
Vive la France ! Et mourons pour la gloire !
L’acier poli couvre ses cheveux blancs,
Son cœur sensible, et ses bras triomphans.