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On le cherchait, et nul ne revenait.
Mais laissons Charle un moment, je vous prie.
Organt aussi dans les airs se perdait.
Étant parti de l’Asinomaïe,
Le Paladin s’avançait vers le ciel,
Toujours juché sur son âne immortel,
Chantant parfois, et battant la mesure
Contre les flancs de la sainte monture,
Qui se cabrait impétueusement.
Saint-Jean était seigneur d’une planète
Non loin de là, pas trop près cependant ;
Mais les Esprits volent rapidement.
Jean aperçoit le pauvre âne, et projette
De le sauver ; il en arnache, bref,
L’Apocalypse, et l’auréole au chef,
Le Saint alerte et jà se faisant fête,
Vole au galop, du pied frappant sa bête.
Il joint Organt, et présente à ses yeux
Dans la vapeur un globe radieux.
En avançant, il croit voir des campagnes,
Des champs, des bois, des forêts, des montagnes,
Un air serein, une vive clarté ;
De mille voix le touchant assemblage,
Semblent former de ce charmant rivage
Un séjour fait pour la Divinité.
Tout ce qu’on dit de Paphos et de Gnide,
Et de Cythère, et du palais d’Armide,
Ce que la Fable autrefois a vanté,
De ces jardins où pénétra Thésée,
Et des vallons du paisible Élisée,
Se rencontrait sur ce bord enchanté ;
Il n’y manquait que la réalité,
Ce beau pays n’étant qu’une chimère,
Pour l’inviter à mettre pied à terre,
Et délivrer le Saint mal avisé.
Fleuves, rochers, monts et forêts profondes
N’étaient formés que d’un air condensé.
Antoine vit essaim de Nymphes blondes,