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Au coin d’un bois les pillards descendirent,
Et de leur long sur l’herbe s’étendirent.
Leurs sens, flétris de débauche et de vin,
Sous les pavots bientôt s’appesantirent.
Impunément le sacrilège essain
Croyait ronfler jusques au lendemain.
Dans ces cantons, une puissante Fée
Avait construit son palais enchanté ;
Et quand la lune, en son char argenté,
Sur les sommets du brillant Apogée,
Se promenait pleine de majesté,
L’épouvantable et terrible Abragée,
Quittant alors son magique palais,
Avec son char et ses jeunes compagnes.
Jusques au jour parcourait les forêts,
Et de ses cris effrayait les campagnes.
Tout avait fui. Dans ces tristes vallons,
On ne voyait ni pâtres, ni maisons.
Depuis cent ans, nul mortel téméraire
N’avait foulé ce rivage enchanté ;
Nos indévots avaient osé le faire.
Las ! ils ronflaient épars sur la fougère,
Et leurs chevaux, broutant à leurs côtés,
Se démenaient, frappaient du pied la terre,
Caracollaient, hérissaient leur crinière,
Par un grand bruit alors épouvantés.
La Fée arrive. Ô vengeance ! ô furie !
Vous dont l’audace a flétri ce séjour,
Lâches, vos yeux ne verront plus le jour,
Et sur ces bords vous laisserez la vie.
Ces mots auraient éveillé les plus sourds.
Nos spadassins, de sommeil quoique lourds,
Lèvent soudain leur tète appesantie.
Comme ils étaient habiles cavaliers,
Les plus voisins, sautant sur les coursiers,
Piquent des deux, et percent la prairie,
De retourner sans témoigner d’envie.
L’un gagne à pied, et court au bois voisin ;