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Sentit l’oiseau quelque part se glisser,
Aller, venir, et l’Ange tutélaire
De son sein blanc les deux roses sucer,
Elle comprit que c’était le mystère ;
Elle sentait une divine ardeur
De plus en plus s’échauffer dans son cœur.
Amour riait, assis sur le pinacle.
Mais ce fut bien encore autre miracle,
Quand tout à coup son regard s’anima,
Son sein bondit, et son teint s’alluma ;
Quand un rayon émané de la grace,
La pénétra, confondit ses esprits,
Et l’emporta tout droit en Paradis.
Elle criait : Ô puissance efficace !
Chaque félon, braqué sur sa Nonnain,
Menait aussi le mystère grand train :
On les voyait, d’un rein fort et robuste,
Observer tous une cadence juste,
Aller, venir, à la file appointés,
En vrais taureaux, par leur fougue emportés ;
Dans leur bouillante et féroce insolence,
Jurant, frappant, au plus vite, au plus fort,
Et déchirant, dans leur impatience,
Le manoir saint, rebelle à leur transport.
Viens, Michel-Ange, et peins-nous Salamane
Les yeux en feu, tous les muscles saillans,
Le nez ouvert, et les poumons bruyans,
Plus furieux que le baudet de Jeanne,
À chaque coup du goupillon divin,
Faisant bondir la converse Augustin.
Quand tout fut fait, et que notre profane
Eut dégainé son brutal instrument,
La Sœur le prit entre ses mains avides,
Comme un agnus à l’aube en s’éveillant,
Et le pressait de ses lèvres humides.
Ceci s’entend de chaque autre Nonnain,
Qui, revenant de l’aventure étrange,
Nommait le sien, mon Sauveur, mon bon Ange,