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À tel moyen ne voulut recourir,
Et protesta qu’elle aimait mieux souffrir,
Que se sauver d’une façon si lâche.
L’on peut juger de la chose à plaisir.
L’Abbesse eut soin d’avertir les Nonnettes
Que de grands Saints allaient les visiter,
De se gaudir, et de se tenir prêtes,
Et qu’un mystère allait tôt éclater ;
Après, l’on fut dans la tour se gîter.
Il était temps. On enfonce les portes ;
Les vieilles sœurs se mettent à prier.
Et des bandits les fougueuses cohortes,
Comme un torrent, inondent le moutier.
Nos jeunes Sœurs à genoux les attendent,
Et du plus loin, des bras mignons leur tendent.
En leur voyant l’air terrible et fâché,
Les doux agneaux croyaient avoir péché.
Comme des loups sur elles ils fondirent,
Et les Nonnains pour des Anges les prirent.
Susanne tombe aux serres de Billoi ;
Il vous l’étend, et d’une main lubrique
Trousse en jurant sa dévote tunique.
Quand elle vit poindre je ne sais quoi,
'Susanne crut que c’était pour le prendre
Et le baiser. Sur le fier instrument
Elle appliqua sa bouche saintement :
Cela rendit Monsieur Billoi fort tendre,
Qui désormais s’y prit plus poliment.
Les flots pressés de sa bruyante haleine,
De ses poumons s’exhalaient avec peine ;
Il l’étouffait, voulant la caresser ;
Il la mordait, en voulant la baiser ;
Sa langue affreuse, et tendre avec furie,
De la Nonnain cherchait la langue pie,
Et notre Sœur, qui pour Dieu le prenait,
À ses efforts saintement se prêtait,
Allant au Diable, et brûlant Marie.
Quand la brebis, après ce doux baiser,