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Sur les hameaux les brigands se ruèrent,
Et la terreur en tous lieux ils portèrent,
Courant, pillant, brûlant, exterminant
Fermes, châteaux, églises et couvent,
Faisant cocus le Bourgeois et le Moine,
Décapitant tous nos grands Saints de bois,
Et Saint-Denis pour la seconde fois ;
À leurs chevaux faisant manger l’avoine
Sur ces autels où le pain devient Dieu,
Semant enfin le désordre en tout lieu.
Cette fois-ci, Jéhovah pacifique
Ne tonna point comme dans l’arche antique ;
On ne vit point la terre s’ébranler,
Et les brigands de frayeur reculer.
Au fond d’un bois, solitude tranquille
Dont les échos, organes des vertus,
Ne répétaient que le nom de Jésus ;
Non loin du fleuve était un saint asile,
Où loin du siècle, en ces lieux ignoré,
Un jeune essaim de colombes plaintives,
D’un Dieu dévot trop gentilles captives,
Passait un temps au culte consacré,
Ne péchant point, et toujours gémissantes,
Toujours en pleurs, et toujours plus charmantes.
Que sert à Dieu que ses cierges bénis
Soient allumés par des bras si gentils ?
Que ne prend-il des matrones antiques
Pour naziller ses concerts angéliques ;
Ou si lui-même, épris de la beauté,
Sent chanceler son essence immortelle,
Aux soins touchans du culte d’une Belle,
Punira-t-il la faible humanité,
Pour un penchant dont lui-même est flatté ?
Si je me trompe, et si ce Dieu terrible,
À tant d’appas peut bien être insensible,
Pourquoi ravir au bonheur des mortels
Ce qu’il dédaigne aux pieds de ses autels ?
Là des vertus on respirait le baume ;