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Il voit ses yeux et sa bouche s’ouvrir.
Qui pourrait peindre et l’ivresse imprévue,
Et les transports de la Reine éperdue ?
Morne, son cœur est passé dans ses yeux.
Et ses regards s’attachent vers les cieux.
Laissons le Rhin et ses bords odieux,
Dressons mon vol dans le séjour des Dieux.
L’Agneau de paix, qui défend qu’on se venge,
D’Antoine Organt appelle le bon Ange
Près de son trône, et se signe, et lui dit :
« Mon cher Gardien, vous savez que Dieu lit
« Au fond des cœurs, et sait ce qui s’y passe ;
« Or, j’ai surpris dans le vôtre un dessein
« Contre le fils de mon prélat Turpin.
« Vase de paix, je vous demande en grâce
« D’oublier tout, et de lui pardonner :
« C’est un enfant que je voudrais sauver ;
« Et puis sachez que le sort de la France
« Est dans ses mains, et que c’est à lui seul
« Qu’il est permis de tourner cette chance.
« Ainsi, volez près de votre filleul,
« Formez son cœur, adoucissez sa bile,
« Apprivoisez son humeur indocile.
« Je veux encor l’éprouver quelque temps,
« Et l’amener, par des chemins glissans,
« Aux saintes mœurs de Soldat d’Évangile.
« Oubliez tout, et pardonnez tout ; car
« Nous le voulons, et buvez ce nectar. »
L’Ange voulut répondre. Dieu le père
Dit : Uriel, préparez mon tonnerre !