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Adulateurs semblables à l’abeille,
Ayant son miel, ayant son aiguillon,
Son avarice, et non pas sa raison ;
Son temps, sa fin, son utilité, non.
Elle vit là l’Adolescence grise,
L’Intrigue fausse, habillée en Franchise,
L’Esprit lui-même adorant la Sottise ;
Ce grand pipeur, appelé le Renom,
Dans le tissu d’un rêts imperceptible
Prenant l’Orgueil, malgré l’homme sensible ;
Le Crime heureux, à l’abri d’un nom grand,
Et l’Amitié qui rit amèrement.
Discrétion s’aperçoit que l’on passe
Par une porte assez large, mais basse ;
Si que les gens avaient souvent l’affront,
Quand ils entraient, de se casser le front :
Elle remarque un Courtisan comme elle,
Franc sans ivresse, et noble sans fierté :
Il avait l’air d’aimer la vérité ;
S’il la voilait, c’était sans lâcheté.
« On est encore à mon culte fidèle
« Dans ce pays si faux », se disait-elle.
Elle l’aborde, et tirant son bonnet,
Sur un front jaune, elle lut : Intérêt.
Discrétion quitte cette contrée,
À l’avarice, au parjure livrée,
Et va chercher dans ce vil univers
Un cœur ou deux à son amour ouverts.
Elle chemine ; elle voit à la ville
Le citadin dénigrer son voisin.
Dans le moutier, séjour morne et tranquille,
La Nonnain pie aboyer la Nonnain ;
Dans son désert un Hermite hypocondre,
Contre le monde en plaintes se morfondre.
Discrétion, à ces tristes portraits,
Fondit en pleurs, et partit pour jamais.
J’en veux venir de ce trait de morale
Au camp de Charle, où l’Indiscrétion