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« À ton désastre, et ne pouvoir te suivre.
« Au premier bruit que ton fatal amant,
« Par un forfait, avait perdu la vie,
« Il accourut du fond de la Neustrie,
« Un Chevalier. son père apparemment,
« Qui dans le sang de mon père coupable
« Lava l’affront par un coup honorable.
« Bientôt ma mère expira de chagrin :
« Avec la vie expire l’infortune !
« Moi, je ne dus une vie importune
« Qu’à la rigueur de mon triste destin.
« Je te crus morte avec la Renommée,
« Qui m’apporta ce récit dans l’armée,
« Et j’ignorais, avec tout l’Univers,
« Les incidens de ce cruel revers.
« Mais apprends-nous ce funeste mystère,
« Enseveli dans l’urne de mon père ».
D’Evreux repart : « De mon cruel amour
« Un tel récit va rallumer la cendre,
« Et dans mon cœur réveiller le vautour.
« Ô souvenir impitoyable et tendre !
« Ô mon amant ! ô mon cher Archambau,
« Puisse ma voix s’entendre du tombeau !
« Dans nos foyers, près de ma mère oisive,
« J’avais passé mon enfance captive :
« Je vis le jour, pour la première fois,
« Lorsque je fus à tes noces à Blois.
« J’avais quinze ans ; innocente, inconnue,
« De maints Héros mon nom fixa la vue ;
« Mais Archambau, venu pour mon malheur,
« Seul eut mon âme, et seule j’eus son cœur.
« Il était fils d’un Guerrier de Neustrie,
« Pauvre, mais grand ; obscur, mais vertueux,
« Grand par lui-même, et non par ses aïeux.
« Que vous dirai-je ? il me donna sa vie,
« Et mon amant était noble à mes yeux !
« De ma vertu la rougeur indiscrète
« Lui découvrit ma fatale défaite,