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 « C’est un penchant éternel, invincible,
« Et sûrement vous m’affligez beaucoup
« De me piquer en cet endroit sensible ».
Par un baiser qu’à sa bouche il frappa,
Le Moine dur la sotte consola.
Il raconta ses prouesses sans nombre,
Depuis le jour que la Belle il quitta ;
Mais il glissa sur la dernière encombre.
Comme il parlait, un cri les airs perça.
Soudainement George les yeux baissa,
Et vit à terre une troupe hardie
De Paladins, qui, pour Dame ravie
Par icelui, prenant Balourderie,
Le défiaient par un cri menaçant,
Et leurs écus de leurs armes choquant.
Lui, peu friand des honneurs d’une joûte,
Était d’avis de poursuivre sa route ;
Mais Balourdise était femme de cœur,
Et délicate envers le point d’honneur.
« Quoi, lui dit-elle, oses-tu bien prétendre
« À mon amour, sans oser le défendre ?
« Va-t’en combattre, on je fuis sur-le-champ ;
« Sois brave, ou bien ne sois pas mon amant.
« Quoi, tu te tais ! quoi, vous branlez la tête !
« Quoi, vous riez ! C’est ainsi qu’on me traite !
« Point ne m’aimez ». « Si fait, dit George ; mais »,
« Quel est ce mais, reprit-elle en furie ?
« Va, tu n’es bon qu’à panser des mulets.
« Voilà l’effet du saint vœu qui te lie !
« Lâche Frocard, Moine indigne, je voi
« Le peu d’amour que ton cœur a pour moi.
« Faut-il qu’un Moine, hélas ! me soit parjure » ?
La Dame alors emporte son injure,
En maudissant de bouche son amant,
Mais comme Moine encor le chérissant.
Nos Paladins, voyant fuir Balourdise,
Crurent au sire avoir fait lâcher prise.
Vers le lever de l’astre de Vénus,