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De croire enfin, si le goût me condamne,
Que le public a des oreilles d’âne.
Sur ce point-là, Piis m’est différent.
Amen, amen. Viens. Dieu de la bouteille,
Prends ma trompette à ta bouche vermeille ;
Inspire-moi, fais briller mes écrits
Du feu charmant dont brûlent tes rubis.
Çà, revenons, à l’histoire discrète
De l’Aumônier qui convoita Nicette,
Lequel avons au cabaret laissé,
Bien sot naguère, et sur-tout bien fessé.
Je vais chanter, sur ma vielle comique,
Ce qui suivit cette encombre tragique.
Quand une fois le bizarre destin
A sur quelqu’un appesanti sa main,
C’est pour long-temps, et le cruel entasse
À chaque instant disgrâce sur disgrâce.
Olympe un jour perdit son perroquet,
Deux jours après, son petit chien barbet,
Son chat ensuite, et d’outrage en outrage,
Bientôt après perdit son pucelage,
Et dit ensuite avec quelque sujet :
Cruel destin, n’es-tu pas satisfait ?
George de même, et pour une accolade,
Se vit roué d’une horrible gourmade.
Ce ne fut tout ; car le surlendemain,
En se levant, pour tout bien il ne treuve
Que sa culotte et son missel latin.
Il fait tapage ; il appelle la veuve ;
Il apprend tout. Je ne vous peindrai pas
De sa fureur les terribles éclats.
Le Diable il jure, et le pouvoir magique,
Qu’on lui paiera ce déloyal affront.
Parlant ainsi d’une voix énergique,
Ses yeux remplis d’un feu diabolique,
S’arrondissaient, et sortaient de son front.
Seul en son gîte alors il se retire ;
Sa voix s’entend au ténébreux Empire,