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Font tour à tour gémir leurs têtes creuses.
L’Ange reçoit sur son nez émoussé,
Un vaillant coup, dont il est renversé
Si rudement, que les cieux en frémirent.
Des cris de joie et de peur s’entendirent.
Il se relève, et baissant un front dur,
Prend son élan, et va d’un coup plus sûr
Frapper le Juif dans sa ronde bedaine,
Et l’envoya, sans pouls et sans haleine,
À quinze pas. L’intrépide Gardien
Court attaquer l’âne musicien.
Pour le Cochon, il avait fui d’avance ;
Pour un cochon, c’était trait de prudence.
L’âne entonna l’hymne pour le combai,
Et présentant ses fesses déliées,
Lâche au Gardien ses grègues déployées ;
Adroitement l’Ange sur lui sauta,
Et le baudet par les airs l’emporta,
En répétant le couplet du Psalmiste,
Qui chantait lors sur un ton bien plus triste.
Mon cher Lecteur, laissons battre les Saints,
Et revenons à ces pauvres humains.
J’ai trop long-temps voyagé par les nues,
En vous leurrant de visions cornues,
Et de maint conte à sommeiller debout.
Il faudra bien enfin que je vous parle
De l’Aumônier, de Vitikin, de Charle,
De Caroline, et Nicette sur-tout.
Dame Folie a brisé mes cordages.
Comme un vaisseau qui flotte sur les eaux,
Par un gros temps détaché des rivages,
Ma frèle nef s’avance au gré des flots :
Puissent les vents nous être favorables,
Et nous mener, par des sites aimables,
Devers Ithaque, ou, pour mieux dire, au but,
Et de son port, dans celui du salut !