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Cent fois plus sotte encor que l’Ignorance ;
Ses yeux étaient ceints d’un voile d’airain ;
De le percer elle tàchait en vain !
Elle tenait une lanterne obscure,
D’où s’élevait une fumée impure,
Et toutefois son cortège hébété,
À sa lueur cherchait la vérité.
Sa nuque était vers la terre affaissée ;
Elle rongeait le mords avec les dents ;
Et par ce mords sa langue embarrassée
Ne bégayait que des sons discordans.
Le sot Orgueil paraissait auprès d’elle ;
Il lui servait de digne champion,
Et chaque jour, à sa gloire fidèle,
Il combattait sa rivale, Raison.
Le Paladin dormit à la séance ;
En ce moment, un songe aérien
Vola vers lui du Mont Olympien.
Il emporta son esprit vers la France,
Et lui fit voir l’image des combats,
Et les lauriers qu’il ne moissonnait pas.
En ce moment, les troupes s’ébranlèrent ;
Les deux partis l’un vers l’autre marchérent.
La charge sonne, on vole ; mille cris,
De mille coups à l’instant sont suivis.
Charles criait : Nivernois, Picardie.
Soyons vainqueurs, ou perdons tous la vie !
Les bataillons heurtent les bataillons :
On porte, on pare, on rend mille horions.
Pannon reçoit un coup de cimeterre,
Et voit rouler son nez sur la poussière.
Charles, suivi d’un escadron picard,
Se précipite, et combat au hasard.
Les ennemis, comme la foudre il perce ;
Il frappe, il tue, il écarte, il renverse.
Vous avez vu les fougueux Aquilons
Livrer la guerre aux fragiles moissons,
Bouleverser les campagnes humides,