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Mais reprenons notre premier objet.
Antoine Organt était tout stupéfait
De voir ainsi la pauvre humaine engeance ;
Il ne voyait que ce qu’on voit en France.
« Dieu soit loué, ce qu’il fait est bien fait,
« Disait Organt. L’homme n’est qu’une bête,
« L’âne non plus ; c’est le droit de conquête.
« Apparemment les hommes par là-bas
« Sont les plus forts, et l’àne en ces climats.
« Voyons pourtant, pendant que nous y sommes,
« Si, dans ces arts dont nous nous pavanons,
« Ces ânes-ci valent les ânes hommes ;
« Si c’est du moins pour de bonnes raisons
« Qu’ils servent l’homme, ou que nous les servons ».
Il se trouvait alors près d’une église.
Il entre, et voit ànes le froc en chef.
Dans notre siècle, il se serait cru, bref,
Chez les enfans de Saint-François d’Assise,
Comme Lourdis, lequel, chez la Sottise,
Si l’on en croit le sincère Arouet,
Dans son couvent encore se croyait.
Un âne en chaire, esprit évangélique,
Adoucissait sa voix apostolique.
Il appuyait d’un pied périodique
Les vérités que sa bouche entonnait.
L’oreille haute, et de dextre et de ganche,
Comme un mauant qui dans la plaine fauche,
Son éloquence au peuple il envoyait.
Point n’oubliait une modeste pause,
Quand il avait dit une belle chose.
Son cœur ardent semblait voler à Dieu,
Et les élans de sa voix déployée
Faisaient frémir les échos du saint lieu.
Il parla d’or ; la troupe édifiée,
Chacun chez soi s’en fut sanctifiée,
Et le Docteur avait si bien prêché,
Qu’en descendant il eut un évêché.
Organt disait : Nous faisons tout de même.