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Ils ont leur code et leur gouvernement,
Leurs Magistrats, leurs Lois, leur Parlement,
De grands Docteurs, héritiers des Apôtres,
Et c’est de la que nous viennent les nôtres.
Ils ont aussi leur Université.
La Capitale est Asinomaïe.
Mon Chevalier, trottant par la Cité,
Scandalisait le peuple à longue ouïe,
Qui le voyait sur un âne monté.
Cet attentat parut le plus profane,
Le plus hardi, dont de mémoire d’àne.
Dans le pays on se fût avisé.
Le pauvre Saint était formalisé.
Quoi qu’il en soit, l’humilité céleste
Le retenait ; on le voyait souffrir ;
Il tenait bas une oreille modeste,
Et seulement quelque léger soupir
Faisait par fois la cité retentir.
Mais que disait la race pécadille ?
De tous côtés les bons mots circulaient,
Et par un rire où les gràces brillaient,
Au Paladin les esprits se montraient
Épanouis d’une façon gentille ;
Ils excellaient dans l’art des calembourgs.
Esprits pointus des plaisans de nos jours,
Vous êtes nés sous cet astre bénigne.
Les ânes ont là-haut l’esprit bien fait,
Les nôtres ont la bile plus maligne :
Que si cet œuvre à leurs yeux paraissait,
Vous les verriez s’épuiser en ruades,
Et m’envoyer de longues pétarades
Au nom du Ciel ; que pitié d’eux il ait !
Mais les pavots de leur Académie,
Sans moi, pourront endormir l’Aonie.
Qu’ai-je besoin, sur le docte sommet,
D’aller moutrer, en ma folie extrême,
Un sot de plus ? Un de moins il aurait,
Si le S…… avait pensé de même.