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Les flancs sacrés du céleste Bourique.
Qui lui disait, dans son style énergique,
Que le Seigneur un jour le jugerait.
Sur l’Univers la nuit tendait ses voiles.
Tout chamarrés de brillantes étoiles,
Et dirigeait de l’orbe occidental
Son char trainé par un maigre cheval.
Le Paladin, en promenant sa vue,
Vit dans les airs un palais de cristal,
Qui s’élevait comme sur une nue :
Mathieu Paris aimait le merveilleux.
En lettres d’or on voit au frontispice :
L’Extravagance habite dans ces lieux.
Organt sourit, et se dit sans malice :
« Je lui connais des Temples aussi beaux
« Dans l’Univers. » En prononçant ces mots,
II admirait ce bizarre édifice,
Etincelant d’un million de flambeaux.
Sous un portique, il vit nombre de sots,
Tristes amans de notre Pythonisse,
Mores, Gaulois, Espagnols, Ostrogots,
Qui venaient là de l’un et l’autre pôle
Chercher les Arts, le goût, le bel esprit,
Et le bonheur, qui s’appelait V… le.
Ici la haine à la haîne sourit ;
Là j’apperçois Courtisanes tannées,
Tombeaux blanchis : ces roses surannées
Vendent aux gens la mort qui les nourrit,
Jouant l’amour, ses faveurs et sa flamme,
Le front serein, la rage au fond de l’âme,
Donnant un cœur pour un morceau de pain.
Là la Richesse au pauvre tend la main.
Les yeux hagards, ici rôde l’Envie ;
Nouveau Tantale, on la voit qui poursuit
Un affiquet, un carrosse, un habit.
Ici l’Orgueil, là la Coquetterie,
L’œil de côté, l’abord doux et flatteur ;
Le vermillon lui tient lieu de pudeur.