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« D’un mort dupé les remords vous font boire,
« Et vous riez sous votre cape noire,
« Quand vous voyez le mortel hébété
« Baiser la trace où vos pas ont porté. »
Le Paladin se lassait de l’entendre
Braire en latin, sans pouvoir rien comprendre ;
Il s’élança, le braquemard en main,
Hors du nuage où l’avait mis le Saint.
Espadonnant et d’estoc et de taille,
Sans goutte voir, il court de tous côtés.
Les saints reclus fuyaient épouvantés,
Tous rebondis de la grasse ripaille
Qu’ils avaient faite. Organt fut au hasard
Heurter le Saint d’un coup de braquemard.
L’âne, dressant et l’oreille et la queue,
Fit retentir, du clairon de sa voix,
L’air, le couvent, et toute la banlieue.
C’était ainsi qu’il prêchait autrefois.
D’un bond léger, le guerrier, plein d’audace,
Impétueux s’élance sur le dos
Du saint baudet, par la fenêtre il passe.
L’âne rua, péta, fit mille sauts.
Organt saisit les oreilles pour bride
Allègrement, s’envola, disparut,
Et rassura notre banquet timide,
Qui, de rechef, se réunit, et but.
Organt planait au séjour de l’orage,
Profanement sur le Docteur monté ;
Sylphes, lutins volaient sur son passage,
Riant, bernant le pauvre âne hébété.
En voltigeant, ils lui tiraient l’oreille,
Et lui faisaient mainte insulte pareille.
Mathieu nous dit que ces frêles cerveaux
Étaient pétris de sel et de bons mots,
Dont la vapeur et délicate et fine
Ne montait point à la cervelle asine.
De temps en temps le saint Docteur ruait,
Et le Héros à grands coups charpentait