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Derrière un bois, muette solitude,
Loin des mondains et de l’inquiétude,
Quelque Traitant, de ses tardifs remords
Bâtit au Ciel un couvent sur ces bords.
Ici paraît une tourelle enduite
Des larmes d’or de la veuve proscrite ;
Là le regret éleva des murs saints
Des pleurs amers, du sang des orphelins.
La sacrilège et profane Opulence
A mis ce sang pour y crier vengeance,
Sur ces autels où le Dieu de bonté
Fait homme un Dieu, fait Dieu l’humanité.
Une tardive et froide pénitence,
Là de Frocards a renté l’indolence.
« C’est donc pour eux que l’avare Intérêt,
« Lavant ses mains dans un autre forfait,
« S’est engraissé de meurtres, de victimes,
« Pour soudoyer à jamais d’autres crimes !
« Quelques tondus payent-ils les malheurs
« Des innocents dont ils boivent les pleurs ? »
Antoine Organt, en parlant de la sorte,
Jà du Moutier découvrait la grand’porte,
Où s’élevait sur la croix expirant,
Un Dieu pour nous chaque jour renaissant.
Organt arrive ; il entre au monastère.
Près de la porte était un vieux tilleul,
Dans ce séjour, vénérable lui seul.
Le spadassin trouva là grande chère,
Et l’avant-goût des biens du Paradis.
Ces gros reclus, de vin muscat fleuris,
En le voyant sont saisis d’épouvante.
Père Anaclet vint au-devant de lui.
À chaque pas, sa bedaine branlante
Rebondissait sur la terre tremblante.
Il se courbait sur un mobile appui ;
Mille rubis, de couleur éclatante,
Étincelaient sur son nez montueux,
Et son menfon, sur un pourpoint crasseux,