Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une baguette, un livre, et des anneaux,
De la magie instrumens infernaux.
Nice hésitait, et d’une main timide
Elle touchait le vieillard doucement,
Qu’elle craignait d’éveiller cependant ;
Mais son esprit, occupé dans le vide,
Et dégagé des liens de son corps,
De ce bas monde était bien loin alors.
Il connaissait à fond l’Astronomie,
Apparemment flambeau de la Magie,
Et s’en allait dans les champs éternels
Étudier le destin des mortels.
Au bord de l’eau, Nice étendit ses charmes,
En attendant le réveil d’Ydrahaut ;
Bref, elle entend des coursiers au galop.
« Voici venir, dit-elle, des Gendarmes,
« Éloignons-nous. » Elle prend son grison,
Monte dessus et perce le vallon.
C’était Organt et son ami Champagne,
Pour la chercher, qui battaient la campagne.
Organt tantôt ou jurait ou pleurait,
Et l’Écuyer sur son âne prêchait.
Nos spadassins courent les plaines vertes,
Les monts, les bois, et les gorges désertes,
Bien étonnés, le lendemain matin,
De se trouver sur les rives du Rhin.
Ils entendaient de loin un bruit de guerre ;
Organt s’arrête, et lève sa visière.
« Ami, dit-il, on combat près d’ici ;
« Heureux qui meurt ! allons mourir aussi. »
Comme ils parlaient, de la plaine voisine,
En voltigeant, Zéphyr leur apporta
Le son aigu d’une cloche argentine.
Champagne au bruit son oreille prêta ;
11 aperçut dans le lointain bleuâtre
Le coq altier du clocher d’un couvent.
« Pour Dieu, dit-il, afin de mieux combattre,
Allons là-bas dîner auparavant. »