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Sulpice. Eh mais ! on dirait que tu as le frisson !…

Hortensius. Au contraire… j’étouffe… je suis tout en eau !…

Sulpice. Ah ça ! il n’y a donc que des poltrons dans ce pays-ci ?…

Hortensius, vivement. Je n’en suis pas du pays… Je voyage avec ma maîtresse… une grande et noble dame qui va partir, si vous le permettez !…

Sulpice. Son âge ?…

Hortensius. Cinquante ans !…

Sulpice. Accordé.

Hortensius. Merci, mon officier !…

Sulpice, vivement. Sergent !… À propos, fais-moi donc le plaisir de dire à tous ces trembleurs-là, qu’ils peuvent montrer leurs oreilles… Nous venons mettre la paix partout… protéger les hommes, quand ils vont au pas… et les femmes, quand elles sont jolies…

Hortensius. Oui, mon officier !…

Sulpice. Sergent !… Et quant à ceux qui s’embusquent dans leurs bois, dans leurs montagnes, pour continuer la guerre, puisqu’ils ne veulent pas être Bavarois… ils n’ont qu’à se faire Français… C’est dans la proclamation… à ce qu’on m’a dit… car je ne l’ai pas lue… et pour cause… Allons ! volte-face, et bon voyage !…

Hortensius. Merci, mon officier !…

Sulpice, brusquement. Sergent !…

Hortensius, à part, étonné. Ah ça ! pourquoi diable m’appelle-t-il sergent… Ce sont de braves gens, si vous voulez… mais ils ont des figures…

Sulpice. Tu dis ?…

Hortensius. Rien, mon officier… rien que de très-flatteur pour vous… Je cours prévenir madame la marquise… (À part, en sortant.) Allons voir si la chaise de poste est en sûreté. (Il sort par le fond.)


Scène III.

Sulpice, puis Marie.

Sulpice, regardant à droite. Qui est-ce qui nous arrive-là ?… les camarades ! sans doute… Eh ! non, c’est Marie, notre enfant… la perle, la gloire du vingt-unième… J’espère que cette figure-là n’aurait pas fait fuir les autres !…

duo.
Sulpice, la voyant arriver.
La voilà ! la voilà… mordié qu’elle est gentille !…
Est-il heureux, le régiment
Qui possède une telle fille !…
Marie, avec transport.
Mon régiment !… j’en suis fière vraiment !
C’est lui dont l’amitié sincère
A veillé sur mes jeunes ans…
Sulpice, avec joie.
N’est-ce pas ?…
Marie.
N’est-ce pas ?…C’est lui seul qui m’a servi de père !…
Et de famille, et de parents !…
Sulpice.
N’est-ce pas ?…
Marie.
N’est-ce pas ?… Aussi, sans flatterie,
Je crois que je lui fais honneur !…
Sulpice, la montrant.
Oui, comme un ange elle est jolie !…
Marie, avec énergie.
Et comme un soldat j’ai du cœur !
Au bruit de la guerre
J’ai reçu le jour…
À tout je préfère
Le son du tambour ;
Sans crainte, à la gloire
Je marche soudain…
Patrie et victoire,
Voilà mon refrain !
Sulpice, avec orgueil.
C’est pourtant moi, je le confesse,
Qui l’élevai comme cela…
Jamais, jamais une duchesse
N’aurait de ces manières-là !
ENSEMBLE.
Marie
Au bruit de la guerre
J’ai reçu le jour !…
À tout, je préfère
Le son, etc…
Sulpice.
Au bruit de la guerre
Elle a reçu le jour !…
Et son cœur préfère
Le son, etc…
Sulpice, à Marie.
Quel beau jour, quand la Providence,
Enfant, te jeta dans nos bras !…
Quand tes cris rompaient le silence
De nos camps et de nos bivouacs !…
Marie.
Chacun de vous, en tendre père,
Sur son dos me portait gaiement !
Et j’avais, fille militaire,
Pour berceau votre fourniment !
Sulpice.
Où tu dormais paisiblement…
Marie.
Où je dormais complètement.
Tous les deux.
Au doux bruit du tambour battant !
Marie.
Mais, maintenant que je suis grande,
Comme on a la main au bonnet !
Sulpice.
C’est la consigne… on recommande,
À tous tes pères, le respect !…
Marie.
Aux jours de fête ou de ravage