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je me révolte… je m’insurrectionne… et à moins qu’on ne m’enlève…

Sulpice, aux soldats. Eh bien ! enlevez-le, vous autres !…

Hortensius, se débattant. C’est une horreur !… une trahison… une attentat de lèse-intendant ! (Les soldats l’enlèvent et partent en tumulte.)


Scène X.

Sulpice, Marie, Tonio.
ensemble.
Tous les trois réunis,
Quel plaisir, mes amis !
Quel bonheur, quelle ivresse !
Doux instants de tendresse !
Sulpice.
Doux souvenir !
Tonio.
Doux souvenir ! Beau temps de guerre !
Marie.
Ah ! loin de nous…
Sulpice.
Ah ! loin de nous… Vous avez fui !
Tonio.
Il reviendra…
Sulpice.
Il reviendra… Je n’y crois guère…
Marie.
Ce temps passé… mais le voici…
Près de toi, Sulpice, et près de lui
ensemble.
Tous les trois réunis,
Quel plaisir, mes amis, etc.
(Sulpice passe entre eux.)
Tonio.
Tu parleras pour moi !
Marie.
Tu parleras pour moi ! Tu parleras pour lui !
Tonio.
Tu combleras mes vœux !
Marie.
Tu combleras mes vœux ! Tu le dois, mon ami.
Sulpice.
Mais vous ne savez pas… écoutez-moi…
Marie et Tonio.
Il me faut ta promesse,
Puisque j’ai sa tendresse…
Et puisque j’ai sa foi !
REPRISE DE L’ENSEMBLE.
Tous les trois réunis,
Quel plaisir, mes amis !
Quel bonheur, quelle ivresse !
Doux instants de tendresse !
Nous voilà réunis.

Sulpice. Mais la tante, mes pauvres enfants… la terrible tante… j’ai une peur affreuse qu’elle ne vienne… (À Tonio.) Aussi mon brave, du courage… et en route !…

Tonio. La quitter !… quitter Marie, maintenant !… Oh ! jamais ! rien ne peut plus m’en séparer ; je la demanderai à la marquise elle-même, et si l’on me refuse, si l’on me repousse… eh bien ! je parlerai alors… et l’on verra !…

Sulpice. Et qu’est-ce que tu diras ?

Tonio. Je dirai… je dirai ce que je ne voudrais pas dire… ce que m’a confié mon oncle le bourgmestre de Laëstrichk, chez qui je me suis arrêté en venant ici… je lui ai tout conté… mon amour, mon chagrin de la naissance de Marie… Oh ! le brave homme !… il m’a révélé un secret qui doit nous rendre tous heureux !…

Marie et Sulpice. Un secret !

Tonio. Sans doute… mais j’ai promis à mon oncle de le taire, à moins qu’on ne me force à parler… et grâce à notre bon Sulpice… nous n’en viendrons pas là… nous attendrirons la marquise.

Sulpice. Oui… avec ça que c’est facile… une vieille qui n’entend pas raison… sur l’article mariage, surtout !…

Marie. Qui sait ! elle m’aime tant… et si mon bon Sulpice voulait lui parler pour nous.

Sulpice. Eh bien ! je risque la bombe !… je me dévoue… mais à une condition…

Tonio et Marie. Laquelle ?…

Sulpice. C’est qu’il va s’en aller… et que la douairière ne le verra que plus tard, après la bataille si nous la gagnons… Je la connais, si elle vous trouvait ensemble, tout serait perdu !

Tonio, allant à Marie. Oui… je m’en vais… je pars !…

Sulpice. Si c’est comme ça que tu t’en vas ! Silence ! écoutez…

Marie. Quoi donc !

Sulpice. Une voiture qui s’arrête, c’est sans doute elle qui revient… Et les autres qui sont là à boire… Et la famille des Crikentorp qui va revenir… si les camarades voyaient ces têtes-là. En v’là une rencontre qui serait terrible ! (À Tonio.) Va-t’en ! va-t’en !

Tonio. Adieu, Marie… adieu !… (Il gagne le fond.)

Sulpice, le rappelant. Non, pas par là… Par la petite porte du parc… Allons, demi-tour à droite, file !… (Il ouvre la porte à gauche pour faire sortir Tonio, la Marquise paraît sur le seuil. À part.) La tante ? nous sommes bloqués.


Scène XI.

Les Mêmes, La Marquise.

La Marquise. Qu’ai-je vu !… Un soldat ici !… près de ma nièce !… Comment, Sulpice, vous avez permis…

Sulpice, à part. Voilà que ça commence !

Marie. Ma tante !…

La Marquise. Taisez-vous !

Tonio. Madame…

La Marquise. Qui êtes-vous, monsieur ? Que voulez-vous ? Que venez-vous faire ici ?…

Tonio. Écoutez-moi, de grâce !…

ROMANCE.
Pour me rapprocher de Marie,
Je m’enrôlai, pauvre soldat,
Et pour elle risquant ma vie,
Je me disais dans le combat :
Si jamais la grandeur enivre,
Cet ange qui m’a su charmer,
Il me faudrait cesser de vivre,
S’il me fallait cesser d’aimer !