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Marie. Comment ! au château !… et mes camarades… et ma cantine ?…

La Marquise. Il ne s’agit plus de cela, mon enfant… il faut que vous repreniez désormais le titre et le rang qui vous conviennent… et vous allez me suivre à l’instant…

Hortensius. Sans doute !…

Marie. Vous suivre !… les abandonner… mes amis… mes bienfaiteurs !…

La Marquise. Je le désire… et au besoin, je le veux !…

Marie. Et de quel droit, donc, Madame ?…

La Marquise, avec émotion. De celui que votre malheureux père m’a donné sur vous en mourant !…

Marie. Mon père !…

La Marquise. Lisez ce qu’il m’écrivait… et songez-y, Marie, un pareil vœu doit être sacré… (Elle lui donne la lettre.)

Marie, lisant. « Madame, demain on se bat… demain, peut-être, je ne serai plus… je remets en vos mains ma fille, qui n’a que vous au monde pour soutien… puisse-t-elle vous payer, en vous obéissant comme la plus tendre fille, de toutes les bontés que vous avez eues pour moi… puisse-t-elle un jour être digne de sa famille… et vous faire oublier les torts de son père, qui la bénit… Robert. » (Attendrie, à la Marquise.) Ah ! Madame…

Sulpice, ému, à Marie. Allons ! du courage… il le faut !

Marie. Eh bien oui… je partirai… mais vous viendrez tous avec moi… tous !…

Hortensius. Miséricorde… un régiment !…

La Marquise. Oui, plus tard, nous verrons… venez, ma nièce…

Marie. Oh ! non… je ne m’éloigne pas ainsi… je veux les revoir… leur faire mes adieux… mais en ce moment… je n’en aurais ni le courage… ni la force !… (Sulpice va au fond parler à un tambour, qui parait.)

La Marquise. Venez, mon enfant… venez… là, un instant, dans cette chaumière…

Sulpice. En attendant le retour des camarades… et tandis que le vieux ira commander les chevaux de Madame…

La Marquise. Hâtez-vous, Hortensius !…

Sulpice. Hâte-toi, Hortensius !…

Hortensius, à part. Eh bien ! à la bonne heure… il ne m’appelle plus sergent !… (Marie et Sulpice rentrent dans la chaumière, Hortensius sort du côté opposé.)


Scène X.

Les Soldats, accourant de tous côtés au bruit du tambour, dont on entend un roulement prolongé.
FINALE.
Chœur, très joyeux.
Rantanplan ! rantanplan !
Quand le son charmant
Du tambour bruyant
Nous appelle au régiment,
Chaque cœur, à l’instant,
D’un doux battement,
À ce roulement
Fait un accompagnement,
Rantanplan ! rantanplan !
Plan !
Vive la guerre et ses alarmes !
Et la victoire et les combats !
Vive la mort, quand sous les armes
On la trouve en braves soldats !
Chœur.
Rantanplan ! rantanplan !
Quand le son charmant, etc.
Le Caporal, regardant au fond.

Qui nous arrive là ?… eh ! c’est le jeune paysan de ce matin… une nouvelle recrue… un nouveau soldat !…


Scène XI.

Les Mêmes, Tonio, avec la cocarde française à son bonnet.
CAVATINE.
Tonio.
Ah ! mes amis, quel jour de fête !
Je vais marcher sous vos drapeaux.
L’amour qui m’a tourné la tête,
Désormais me rend un héros.
Oui, celle pour qui je soupire,
À mes vœux a daigné sourire
Et ce doux espoir de bonheur
Trouble ma raison et mon cœur !
Chœur, montrant Tonio.
Le camarade est amoureux !
Tonio.
Et c’est en vous seuls que j’espère.
Chœur.
Quoi ! c’est notre enfant que tu veux !
Tonio.
Donnez-la-moi, Messieurs son père.
Chœur.
Non pas… elle est promise à notre régiment !
Tonio.
Mais j’en suis, puisqu’en cet instant
Je viens de m’engager, pour cela seulement !
Chœur.
Tant pis pour toi !
Tonio.
Mais votre fille m’aime !
Chœur.
Se pourrait-il !… quoi ! notre enfant !
Tonio, avec passion.
Elle m’aime, vous dis-je… ici, j’en fais serment !
(Les soldats se consultent entre eux.)
Chœur.
Que dire et que faire ?