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ELEGIE


Du toict champeſtre ou il eſt habitant.
Nul accident d’inconſtante fortune
Luy ha monſtré ſa fureur impotune :
Et n’ha eſté à peines,& dangiers
Sa ſoif eſtaindre en fleuves eſtrangiers.
Il n’ha ſenty (ſuivant le faict des armes)
La froide paour des affaulx, & alarmes :
Et marchandant n’ha experimenté
D’eſtre en la mer des undes (Indes) tourmenté.
Et des proces n’ouit oncques le bruit
Qui empeſehaſt de ſon aiſe le fruict,
Mais tout rural, & inexercité :
A peine ha veu ſa prochaine cité
Se contentant loing de mur, & de tour
De veoir à plain le beau ciel tout en tour.
Si nombrer veult quelque temps le bon hŏme,
Ne compte point par les confulz de Romme,
Mais ſeulement cognoit les ans paſſez
Au fruict qu’il ha d’an en an amaſſez.
Quand ſon jardin verd, & flory devient
Il cognoit bien que le printemps advient,
L’eſté apres, lors que tout fructifie :
Voila ſon art, & ſa philosophie
Et veoir lever, & coucher le ſoleil
Au meſme lieu de ſon ſomme, & recueil :
Et dens le clos du ruſtique ſejour,
Son zodiaque, ou meſure le jour.
Tel Cheſne il ha aux champs grand, & ſuperbe
Qui luy ſouvient avoir veu eſtre en herbe :
Et