Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/615

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ques-uns de ceux qui semblent plus religieux que les autres dans son peuple : « Ces gens-là m’honorent du bout des lèvres, mais leur cœur est loin de moi (Matth., xv, 8 et II Tim., ii, 19). » Car le Seigneur Jésus connaît ceux qui sont à lui, il sait quels sont ceux qu’il a élus dès le principe. « Pourquoi, dit-il, m’appelez-vous Seigneur, Seigneur, et ne faites-vous point ce que je vous dis (Luc, vi, 46) ? » Voulez-vous savoir si vous appartenez ou plutôt voulez-vous appartenir à son peuple ? Faites ce qu’il vous dit, et vous serez compté parmi les siens. Oui, faites ce qu’il vous prescrit lui-même dans son Évangile, ce qu’il vous ordonne dans la loi et les Prophètes, ce qu’il vous commande par ses ministres dans l’Église ; obéissez à ses vicaires, je veux dire à vos supérieurs, non-seulement à ceux qui sont bons et faciles, mais même à ceux qui sont difficiles ; apprenez aussi de ce même Jésus qu’il est doux et humble de cœur et vous serez de ce peuple heureux qu’il s’est choisi pour héritage, vous serez de ce peuple digne de louanges Jésus est grand parce qu’il est égal et pareil au Très-Haut. que le Seigneur Dieu des armées a béni en disant : « Tu es l’œuvre de mes mains, Israël, tu es mon héritage (Isa., xix, 25). » Mais de peur que vous ne confondiez ce peuple avec le peuple charnel d’Israël, il lui rend encore ce témoignage. « Un peuple que je n’avais point connu s’est soumis à moi et il m’a obéi dès qu’il a entendu ma voix (Psalm., xvii, 45). »

12. Mais écoutons ce que l’Ange pense de celui à qui il donne un nom avant même qu’il soit conçu : « Il sera grand, dit-il, et sera appelé le Fils du Très-Haut (Luc, i, 32). » Certainement, celui qui aura l’honneur « d’être appelé le Fils du Très-Haut, » ne peut manquer d’être « grand lui-même. » En effet, n’est-il pas grand celui « dont la grandeur n’a point de bornes (Psalm., cxliv, 3) ? » D’ailleurs, « qui est grand comme notre Dieu. » Effectivement il est grand, car il ne l’est pas moins que le Très-Haut, étant lui-même aussi le Très-Haut, attendu que le Fils de Dieu ne saurait croire que ce fût pour lui une usurpation d’être égal à Dieu (Philipp., ii, 6). Celui qui doit être regardé comme un usurpateur, c’est celui qui tiré du néant pour être fait ange, osa se comparer à son Créateur, et revendiquer pour soi ce qui est le propre du Fils du Très-Haut, qui ne fut point créé par son Père, mais engendré en la forme de Dieu. Car si le Très-Haut, Dieu le Père, tout-puissant qu’il soit, ne put faire une créature égale à lui, il n’a pas pu non plus engendrer un Fils qui lui fût inférieur. Il a fait l’ange grand, mais non point aussi grand que lui, à plus forte raison, ne l’a-t-il point fait Très-Haut. Il n’y a que le Fils unique qui ait été sinon fait, du moins engendré Tout-Puissant par le Tout-Puissant, Très-Haut par le Très-Haut, Éternel par l’Éternel, et qui puisse, sans usurpation et sans injure pour Dieu, se comparer en tout à lui. C’est donc avec raison qu’il est dit que celui qui est le Fils du Très-Haut sera grand lui-même.

Pourquoi l’ange dit : il sera, au lieu de il est grand. 13. Mais pourquoi est-il dit : « Il sera, » au lieu de il est grand, puisqu’il est toujours également grand, qu’il ne peut le devenir davantage, et qu’il ne saurait être plus grand après sa conception, qu’il ne l’était ou l’avait été auparavant. L’Ange ne