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que signifiait cette salutation. Son trouble venait évidemment de sa pudeur virginale, mais, si elle ne fut point décontenancée, c’est à sa force qu’elle le doit, et si, dans son silence, elle réfléchit encore, c’est une preuve de sa prudence. « Or, elle se demandait ce que signifiait cette salutation. » Sans doute notre Vierge prudente savait qu’il arrive quelquefois que l’ange de Satan se transfigure en ange de lumière, et, comme elle était aussi humble que simple, elle ne pouvait croire que ce salut lui vînt d’un ange véritable : aussi se demandait-elle ce que signifiait cette salutation.

La garde de la chasteté est difficile. 10. Alors l’Ange, considérant la Vierge et remarquant sans peine qu’elle était intérieurement en proie à des pensées bien différentes, dissipe ses appréhensions, chasse ses doutes, et, l’appelant familièrement par son nom, il lui dit avec bonté de ne rien craindre, « Ne craignez point, Marie, lui dit-il, car vous avez trouvé grâce devant Dieu Quelle grâce Marie a trouvée devant Dieu. (Luc, i, 30). » Il n’y a là ni piège ni ruse ; ne craignez ni trame perfide, ni embûches. Je ne suis point un homme, mais un ange, et un ange, non de Satan, mais de Dieu. « Ne craignez donc point, Marie, vous avez trouvé grâce devant Dieu. » Oh ! si vous pouviez savoir à quel point votre humilité est agréable à Dieu et quelle élévation vous attend auprès de lui ! Vous ne vous jugeriez point indigne des entretiens d’un ange, non plus que de ses hommages. Sur quoi me fonderai-je, en effet, pour dire que vous n’avez point trouvé grâce aux yeux des anges, quand vous avez trouvé grâce auprès de Dieu ? Vous avez trouvé ce que vous cherchiez, mais ce que personne n’a trouvé avant vous ; vous avez, dis-je, trouvé grâce devant Dieu. Mais de quel grâce est-il ici question ? De celle qui rétablit la paix entre Dieu et l’homme, qui détruit la mort et répare la vie. Voilà la grâce que vous avez trouvée auprès de Dieu. Et la preuve, c’est que « Vous allez concevoir dans votre sein pour l’enfanter ensuite, un fils à qui vous donnerez le nom de Jésus (Luc, i, 31). » Comprenez, Vierge prudente, au seul nom du fils qui vous est promis, quelle grâce unique vous avez trouvée devant Dieu. « Vous lui donnerez le nom de Jésus, » dit-il ; or, un autre Évangéliste nous donne le sens de ce nom, en rapportant ainsi la manière dont l’Ange lui-même l’a expliqué : « Parce que ce sera lui qui sauvera son peuple et le délivrera de ses péchés (Matth., i, 21). »

11. Je trouve qu’il y a eu deux Jésus, qui furent la figure de celui dont il est parlé ici, et tous les deux furent placés à la tête d’Israël. L’un ramena son peuple de Babylone (Esdr., ii et v) : l’autre le fit entrer dans la terre promise (Josue, xxi et xxxiii). Mais s’ils purent l’un et l’autre protéger leur peuple contre les attaques de ses ennemis, ils étaient hors d’état de le délivrer de ses péchés. Le Nôtre, au contraire, non-seulement délivre son Le nom de Sauveur convient au Christ par excellence. peuple de ses péchés, mais encore l’introduit dans la terre même des vivants ; « Car il sauvera son peuple et le délivrera de ses péchés. » Or, quel est-il celui-là qui remet même les péchés ? Plaise au ciel que le Seigneur Jésus daigne me compter dans son peuple, et me sauver de mes propres péchés ! On peut bien dire en vérité que le peuple dont ce Jésus est le Seigneur et le Dieu, est vraiment bienheureux, puisqu’il doit sauver son peuple de ses péchés. Mais j’ai bien peur qu’il n’y en ait beaucoup qui se disent de son peuple et n’en soient point en effet ; oui je crains qu’il ne dise un jour à quel-