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je, qui fait que son Fils soit votre Fils. Le Fils est avec vous, le Fils qui, pour accomplir en vous un admirable mystère, s’ouvre votre sein d’une manière miraculeuse et respecte en même temps le sceau de votre virginité. L’Esprit-Saint est avec vous, l’Esprit-Saint qui, de concert avec le Père et avec le Fils, sanctifie votre sein. Donc le Seigneur est bien avec vous.

5. « Vous êtes bénie entre toutes les fammes. » Ajoutons à ces paroles d’Élisabeth celles qui les suivent : « Et le fruit de vos entrailles est béni. » Mais ce n’est pas parce que vous êtes bénie que le fruit de votre ventre est béni, c’est au contraire parce qu’il vous a prévenue de la douceur de ses bénédictions que vous êtes bénie. Oui certainement il est véritablement béni ce fruit de vos entrailles, en qui toutes les nations elles-mêmes sont bénies et de la plénitude duquel vous avez reçu, ainsi que les autres hommes quoique d’une manière bien différente. Vous êtes donc bénie, mais entre toutes les femmes ; quant à lui, il est béni entre les hommes, non entre les anges, selon ce que dit l’Apôtre qui le proclame le Seigneur béni par-dessus tous les siècles (Rom., ix, 6). On dit un homme béni, un pain béni, une femme, une terre bénie, et ainsi de toute autre créature ; mais c’est d’une manière toute spéciale que le fruit de votre ventre est béni puisqu’il est le Dieu béni par-dessus tous les siècles.

6. Ainsi le fruit de vos entrailles est béni. Béni en odeur, béni en saveur, béni en beauté. C’est l’arôme délicieux de ce fruit que sentait celui qui disait : « L’odeur qui sort de mon fils est semblable à celle d’un champ de fleurs que le Seigneur a comblé de ses bénédictions (Gen., xxvii, 27). » Peut-on douter que celui que le Seigneur a béni soit véritablement béni ? Sans doute, il était sous le charme du goût excellent de ce fruit celui qui exhalait sa satisfaction en ces termes : « Goûtez donc et voyez combien le Seigneur est doux (Psalm. xxxiii, 9), » et encore : « Combien est donc grande, Seigneur, l’abondance de votre ineffable douceur, que vous avez cachée pour ceux qui vous craignent (Psalm. xxx, 20) ! » Un autre disait de même : « Si toutefois vous avez goûté combien doux est le Seigneur (1 Petr., ii, 3). » Et ce fruit, disait-il lui-même, en parlant de soi et en nous invitant à le manger : « Celui qui me mange aura encore faim et celui qui me boit ressentira encore l’aiguillon de la soif (Eccli., xxiv, 29). » Il est évident que c’est à cause de sa douce saveur qu’il parlait ainsi ; le goûter seulement, donne l’envie de le goûter encore. C’est un bien bon fruit que celui qui est la nourriture et la boisson des âmes qui ont faim et soif de la justice. Je vous ai parlé de son arôme et de sa saveur, écoutez maintenant ce qui a été dit de sa beauté. S’il est vrai, comme l’atteste l’Écriture, que le fruit de mort était non-seulement agréable au goût mais encore à la vue (Gen., iii, 6), à combien plus forte raison devons-nous rechercher une beauté de vie dans ce fruit de vie sur lequel, au dire de la sainte Écriture, les anges mêmes désirent reposer les yeux (1 Petr., i, 12) ? Celui qui s’écriait : « L’éclat de sa gloire vient de Sion (Psalm. xlix, 2), » voyait certainement sa beauté en esprit et désirait vivement la contempler des yeux de son corps. Mais pour ne pas vous figurer que ce n’était que d’une beauté médiocre qu’il parlait avec cet enthousiasme, rappelez-vous ce