Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/609

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à-dire Marie, lui dit : Je vous salue pleine de grâce, le Seigneur est avec vous (Luc., i, 28). » Où était-elle lorsque l’Ange vint la trouver ? Je pense qu’elle était retirée à l’écart dans sa chambre virginale Les anges assistent à ses prières. où peut-être, après avoir fermé la porte sur elle, elle priait le Père dans le secret. Les anges ont coutume, en effet, d’assister à nos prières, et se plaisent dans la société de ceux qu’ils voient lever des mains pures en priant, ils aiment à offrir à Dieu, comme un sacrifice de douce odeur, l’holocauste d’une sainte dévotion. Aussi l’Ange a-t-il montré, en saluant Marie, lorsqu’il fut arrivé près d’elle, combien ses prières étaient agréables Tous les lieux sont accessibles aux anges. au Très-Haut. Il ne fut pas difficile à l’Ange de pénétrer dans la retraite de la Vierge, quoiqu’elle en eût fermé la porte ; car, par la vertu de sa substance, il jouit du privilége de ne jamais être arrêté par des serrures de fer en quelque lieu qu’il veuille pénétrer. Pour les esprits célestes, il n’y a point de murailles, tout est accessible à leurs regards, il n’est corps si durs et si épais qu’ils soient qu’ils ne puissent pénétrer et traverser. Il n’est donc point à présumer que l’Ange ait trouvé ouverte la petite porte du réduit où la Vierge se tenait, soit pour éviter le commerce des hommes et se soustraire à leurs entretiens, soit pour se livrer en silence à la prière et se trouver à l’abri des tentations qui pouvaient assaillir sa chasteté virginale. La Vierge très-prudente avait donc, en ce moment, fermé sa porte pour les hommes, mais elle ne l’avait point fermée pour les Anges. Aussi un Ange put-il pénétrer dans sa retraite, bien que tout accès fût interdit aux hommes jusqu’à elle.

2. Étant donc entré là où elle se tenait, l’Ange lui dit : « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. » Nous voyons dans les Actes des Apôtres (Act., vi, 5), que saint Étienne fut aussi plein de grâce et que les apôtres furent remplis du Saint-Esprit, mais il y a une grande différence La plénitude de la grâce de Marie est bien différente de celle des autres saints. entre eux et Marie. D’ailleurs la plénitude de la divinité n’a point habité dans Étienne comme en Marie. L’Ange lui dit : « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. » Mais faut-il s’étonner qu’elle fut pleine de grâce quand le Seigneur même était avec elle ? Si je m’étonnais de quelque chose ce serait plutôt de voir que l’Ange retrouve en Marie celui même qui l’avait envoyé vers elle. Dieu est-il donc venu plus vite que l’Ange pour être arrivé sur la terre plus tôt que son rapide messager ? Je n’en serais point surpris ; car pendant que le Roi se reposait sur le sein de la Vierge, le nard dont elle était parfumée a répandu son odeur qui s’est élevée comme la fumée des aromates en sa glorieuse présence et elle a trouvé grâce devant lui aux acclamations de tous les assistants qui disaient : « Quelle est celle-ci qui monte par le désert comme une petite vapeur d’aromates, de myrrhe et d’encens (Cant., iii, 6) ? » Alors le Seigneur sortant de son lieu saint, s’élança comme un géant dans la carrière, et quoique son essor fût du plus haut des Cieux (Psalm., xviii, 6), cependant, porté sur l’aile d’un désir excessif, il devance l’arrivée de son messager auprès de la Vierge qu’il aime, qu’il s’est choisie et dont la beauté le captive. C’est lui que l’Église voit avec bonheur venir de loin et dont elle dit dans sa joie :