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vaste mer, et qui allez à la dérive plutôt que vous n’avancez au milieu des orages et des tempêtes, regardez cette étoile, fixez vos yeux sur elle, et vous ne serez point engloutis par les flots. Quand les fureurs de la tentation se déchaîneront contre vous, quand vous serez assaillis par les tribulations et poussés vers les écueils, regardez Marie, invoquez Marie. Quand vous gémirez dans la tourmente de l’orgueil, de l’ambition, de la médisance, et de l’envie, levez les yeux vers l’étoile, invoquez Marie. Si la colère ou l’avarice, si les tentations de la chair assaillent votre esquif, regardez Marie. Si, accablé par l’énormité de vos crimes, confus des plaies hideuses de votre cœur, épouvanté par la crainte des jugements de Dieu, vous vous sentez entraîné dans le gouffre de la tristesse et sur le bord de l’abîme du désespoir, un cri à Marie, un regard à Marie. Dans les périls, dans les angoisses, dans les perplexités, invoquez Marie, pensez à Marie. Que ce doux nom ne soit jamais loin de votre bouche, jamais loin de votre cœur ; mais pour obtenir une part à la grâce qu’il renferme, n’oubliez point les exemples qu’il vous rappelle. En suivant Marie, on ne s’égare point, en priant Marie, on ne craint pas le désespoir, en pensant à Marie, on ne se trompe point ; si elle vous tient par la main, vous ne tomberez point, si elle vous protège, vous n’aurez rien à craindre, si elle vous conduit, vous ne connaîtrez point la fatigue, et si elle vous est favorable, vous êtes sûr d’arriver ; vous comprendrez ainsi par votre propre expérience pourquoi il est écrit : « Le nom de la vierge était Marie. » Mais arrêtons-nous un peu, de peur que nous ne voyions aussi qu’en passant, la belle clarté de cet astre. Car, pour me servir des paroles de l’Apôtre : « Il est bon pour nous d’être ici (Matth., xvii), » et c’est un bonheur de pouvoir contempler en silence ce qu’un long discours serait incapable de bien expliquer. Mais en attendant, la pieuse contemplation de cet astre scintillant nous donnera une nouvelle ardeur pour ce qui nous reste à dire.


Homélie troisième.

Sur les gloires de la Vierge mère.

Humble aveu de saint Bernard. 1. Volontiers, lorsque j’en trouve l’occasion, je m’approprie les paroles des Saints afin de rendre plus agréable au lecteur ce que je lui offre dans des vases plus beaux. Et pour commencer par emprunter le langage d’un Prophète, je m’écrierai : malheur à moi, non point parce que je me suis tu, mais parce que j’ai parlé, moi dont les lèvres sont impures (Isa., vi, 5). Hélas ! que de vanités, que de mensonges, que de hontes sont sorties de cette bouche infiniment souillée, qui entreprend aujourd’hui de traiter des sujets divins ! J’ai bien peur que ce ne soit pour moi qu’il a été dit : « Pourquoi entreprenez-vous de raconter mes justices, et pourquoi avez-vous mon alliance sur les lèvres (Psalm., xlix, 16) ? » Que je serais heureux si de l’autel qui est dans les Cieux, non pas seulement un charbon, mais un grand globe de feu était approché de ma bouche pour en brûler au vif la rouille épaisse qui la ronge ! Peut-être serais-je digne alors de rapporter dans mon imparfait langage les doux et chastes entretiens que l’Ange et la Vierge ont échangés entre eux. L’Évangéliste dit donc : « Et l’Ange étant entré dans le lieu où elle était, elle, c’est-