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le sable de Gédéon qui fut trouvé tout humide de rosée. En effet, la pluie volontaire que Dieu tient en réserve pour son héritage, a commencé à tomber tranquillement sans le concours de l’homme et à pénétrer sans effort dans la sein de la Vierge ; et plus tard elle se répandit partout l’univers par la bouche des prédicateurs, non plus comme la rosée qui tomba sur la toison, mais comme les gouttes de la pluie qui fondit sur la terre, accompagnée du bruit de la parole et du retentissement des miracles ; attendu que les nuées qui portaient la pluie dans leur sein se sont alors rappelé qu’il leur avait été dit le jour où elles furent envoyées par le monde : « Annoncez au grand jour ce que je vous ai confié dans les ténèbres, et prêchez sur les toits ce que je vous ai dit à l’oreille (Matth., x, 27.) » C’est, en effet, ce qu’elles firent, car « leur voix a éclaté dans toute la terre et leurs paroles ont retenti jusqu’aux extrémités du monde (Psalm., xviii, 5.) »

8. Écoutons aussi Jérémie qui ajoute de nouvelles prophéties aux anciennes, et qui ne pouvant pas encore nous montrer le Sauveur, signale sa venue avec le plus ardent désir, et l’annonce d’un ton plein de confiance : « Le Seigneur, dit-il, a créé quelque chose de nouveau sur la terre ; une femme enfantera un homme (Jérém., xxxi, 12.) » Or qu’elle est cette femme et de quel homme parle-t-il ? Et, s’il s’agit vraiment d’un homme, comment une femme pourra-t-elle l’enfanter ? Ou bien s’il peut être en effet, enfanté par une femme, comment se fait-il qu’il soit un homme ? En deux mots, comment, pour parler plus clairement, peut-il être homme et renfermé en même temps dans le sein d’une femme ? Car c’est ce qu’il faut entendre par ces expressions, une femme enfantera un homme. Ceux que nous appelons hommes ce sont ceux qui ont passé la première et la seconde enfance, l’adolescence et la jeunesse et sont arrivés à un âge voisin de la vieillesse. Or comment, arrivé à un pareil développement, un homme, peut-il encore être enferme dans le sein d’une femme ? Si le Prophète avait dit : une femme portera un enfant dans son sein, fût-il même déjà un peu grand, cela n’aurait paru ni nouveau ni étonnant. Mais comme il n’a rien dit de tel et qu’il a prédit, au contraire, qu’elle enfanterait un homme, je me demande quelle est cette nouveauté que Dieu a annoncée à la terre, quand il a dit qu’une femme enfanterait un homme et qu’un homme se renfermerait dans le sein d’une femme délicate ? Qu’est-ce que ce miracle ? » Est-ce que, pour me servir des paroles de Nicodème, un homme fait peut retourner dans le ventre de sa mère et recevoir une seconde naissance (Joan., iii, 4) ?

9. Je jette les yeux sur la conception et sur l’enfantement de la Vierge et je me demande si, par hasard au milieu des nouveautés et des merveilles sans nombre que découvre celui qui considère toutes ces choses attentivement, je n’apercevrai point aussi celle dont me parle le Prophète (Jérém., xxxi, 25). Or que vois-je là ? La longueur qui s’est raccourcie, la largeur qui s’est rétrécie, la hauteur qui s’est abaissée et la profondeur qui s’est nivelée. J’y vois une lumière qui ne luit plus, le verbe qui bégaye, l’eau qui a soif et le pain qui a faim. Oui, si vous faites attention, vous y verrez Paradoxes de l’incarnation. la puissance gouvernée, la sagesse instruite, la force même soutenue ; un Dieu allaité, et cependant réconfortant les anges ; un Dieu vagissant et