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nourriture empoisonnée, elle produit pour toi un fruit éternel d’une grande douceur. Change donc tes injustes accusations en paroles d’action de grâces, et écrie-toi : Seigneur, la femme, que vous m’avez donnée, m’a présenté du fruit de l’arbre de vie et j’en ai mangé, je l’ai trouvé plus doux que le miel à mon palais, parce que dans ce fruit vous m’avez donné la vie. Voilà en effet, pourquoi l’Ange a été envoyé à une vierge. Ô Vierge admirable et vraiment digne de tout honneur ! Ô femme singulièrement respectable, admirable par-dessus toutes les autres femmes, vous réparez le mal qu’ont fait nos aïeux et vous rendez la vie à tous leurs descendants.

4. « Un ange, dit l’Évangéliste, a donc été envoyé à une vierge ; » vierge de corps, vierge d’esprit, vierge de profession, vierge en un mot, telle que celle dont parle l’Apôtre, quand il dit : Elle est sainte de corps et d’esprit. Mais ce n’est pas à une vierge qu’on vient de trouver à l’instant et par hasard, elle a été choisie au contraire depuis le commencement des siècles, elle était connue longtemps d’avance par le Très-Haut qui l’avait préparée pour lui, elle était gardée par les anges, signalée par les La bienheureuse vierge Marie a été annoncée d’avance par les prophéties et représentée par les figures. patriarches et promise par les prophètes. Parcourez les Écritures et vous acquerrez la preuve de ce que j’avance. Voulez-vous que je vous cite ici quelques témoignages puisés à ces sources ? Pour n’en rapporter que quelques-uns entre mille, de qui vous semble-t-il que Dieu parlait, si ce n’est d’elle, quand il disait au serpent : « J’établirai des inimitiés entre toi et la femme (Gen., iii, 13) ? » Si vous hésitez encore à croire qu’il soit question là de Marie, écoutez la suite : « Elle t’écrasera la tête (Ibidem). » Or à qui pareille victoire fut-elle réservée, sinon à Marie ? Oui, c’est elle évidemment qui a broyé sa tête venimeuse, quand elle a réduit à néant toutes les suggestions du malin esprit qui prenaient leur source dans les appétits de la chair et dans l’orgueil de l’esprit.

3. Était-ce d’une autre que de Marie que Salomon voulait parler quand il disait : « Qui trouvera la femme forte (Prov., xxxi, 10) ? » Certainement, ce sage connaissait la faiblesse de la femme et savait combien fragile est son corps, combien faible son cœur ; mais pourtant comme il avait lu que Dieu avait promis, ce qui d’ailleurs lui semblait à lui-même parfaitement juste, que celui qui avait vaincu par le moyen de la femme serait vaincu de la même manière, il ne put retenir ce cri d’admiration : « Qui est-ce qui trouvera la femme forte ? » Marie est la femme forte. C’est comme s’il avait dit : Puisque notre salut à tous est entre les mains d’une femme, puisque d’elle dépend le rétablissement de notre innocence et la défaite de notre ennemi, évidemment il faut que ce soit une femme forte pour qu’elle soit apte à de si grandes choses. Qui donc trouvera cette femme forte ? Ne croyez point qu’il ne s’exprime ainsi qu’en désespoir de la pouvoir jamais trouver, car il ajoute, mais en prophétisant : « Il faut l’aller chercher bien loin, et on ne peut la tirer que de l’extrémité du monde (Prov., xxxi, 10) ; » c’est-à-dire ce n’est point quelque chose de peu de valeur, de petit, de médiocre, enfin ce n’est rien de semblable à ce qu’on peut trouver sur la terre, c’est dans le Ciel, non pas dans le ciel le plus rapproché de la terre qu’il faut l’aller chercher, mais c’est du plus haut des Cieux qu’elle doit venir.