Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/597

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de voir une vierge féconde ou une mère demeurant vierge ; et ce qu’on doit plus admirer de cette sublime fécondité ou de cette humilité dans une telle élévation ; ou plutôt si vous ne préfériez sans hésiter toutes ces choses réunies, à chacune d’elles en particulier, et si vous ne regardiez comme incomparablement meilleur et préférable de les posséder toutes, que de ne posséder que l’une ou l’autre d’elles. Après tout je serais bien surpris si le Dieu que les saintes Lettres nous montrent et que nous voyons nous-mêmes admirable dans ses saints (Psalm., lxvii, 36), ne s’était pas surpassé dans sa mère. Ô vous qui êtes mariés, respectez la pureté dans une chair corruptible ; mais vous, ô vierges sacrées, admirez la fécondité dans une Vierge : enfin nous tous ô hommes admirons l’humilité de la Mère de Dieu. Anges saints, honorez la Mère de votre Roi, vous qui adorez le Fils de notre Vierge, qui est en même temps notre roi et le vôtre, le réparateur de notre race et l’architecte de votre cité. À ce Dieu si humble parmi nous, si grand au milieu de vous, rendons également les uns et les autres les hommages qui lui sont dus. Honneur et gloire soient rendus à sa grandeur, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


Seconde homélie.

Sur les gloires de la Vierge mère.

1. Personne ne doute que la reine des vierges ne chante un jour avec les autres vierges, ou plutôt la première entre toutes les vierges le cantique nouveau qu’il ne sera donné qu’aux vierges de faire entendre dans le royaume de Dieu. Mais je me figure que, non contente de chanter ce cantique qui ne sera chanté que par les vierges, mais qui lui sera commun avec toutes les vierges, comme je l’ai dit, elle réjouira la cité de Dieu par un chant plus doux encore et plus beau que celui-là ; par un chant dont nulle vierge ne sera trouvée digne de faire entendre et de moduler la douce mélodie, parce qu’il n’appartiendra qu’à celle que rehausse seule la gloire de la maternité, et d’une maternité divine, de le chanter. Mais si elle se glorifie de son enfantement, ce n’est point en elle, mais en Celui qu’elle a enfanté. En effet Dieu, car c’est un Dieu qu’elle a mis au monde, Dieu dis-je ne peut manquer de combler d’une gloire unique dans les Cieux, celle qui est sa Mère et qu’il a prévenue sur la terre d’une grâce unique par laquelle s’accomplit en elle l’ineffable merveille d’une conception virginale et d’un enfantement qui laisse la vierge intacte. D’ailleurs la seule naissance qui convenait à un Dieu, c’était de naître d’une vierge, et le seul enfantement qui convenait à une vierge était celui d’un Dieu. Aussi le Créateur des hommes voulant se faire homme et naître de l’homme dut choisir sa mère entre tous les hommes, ou plutôt dut la faire lui-même telle qu’il convenait qu’elle fût et qu’elle devait être pour lui plaire. Il voulut donc que celle qui devait donner le jour à un fils sans souillures, et qui venait pour effacer toutes les souillures, fût vierge et que celle qui allait mettre au monde celui qui devait être doux et humble de cœur fût humble elle-même, car il voulait montrer en sa personne un modèle aussi salutaire que nécessaire à tous les hommes de ces deux vertus. Il a donc donné la fécondité à la Vierge à qui il avait commencé par inspirer le vœu de virginité et par donner le mérite de l’humilité. Ce qui le