Et de superbe nymphe elle devient ormeau.
Durant qu’en cet état ses pieds prennent racine,
Lyrian, assisté d’une faveur divine,
A le temps de l’atteindre et le bien de la voir,
Premier qu’il expirât, réduite en son pouvoir.
Dieux ! ce dit-il alors, qui par cette aventure
Enseignez à mes yeux ce que peut la nature,
Faites qu’à ce beau tronc si dur à la pitié
Mon cœur puisse à jamais montrer son amitié !
Il finit par ce mot pour en être l’exemple,
Et son corps s’attachant à l’arbre qu’il contemple
Se change en mille bras tournoyant à l’entour.
Dont il acquit le nom de symbole d’amour !
Bref, ce fidèle amant n’est plus qu’un beau lierre,
Qui, sur la tige aimée, en s’élevant de terre,
Cherche en sa passion, qu’il tâche d’apaiser,
La place où fut la bouche, afin de la baiser.
Chaque feuille est un cœur qui montre en sa verdure
Comme il l’avait requis, que son amitié dure ;
La preuve s’en confirme en ses embrassements,
Et tout se perd en lui, hormis les sentiments ;
Car on dirait, à voir ses branches enlacées,
Que, se ressouvenant de ses peines passées,
Et voulant conserver son bien présent aussi,
De peur qu’il ne s’échappe, il l’environne ainsi,
Orgueilleuse Sylvie, à qui ces vers s’adressent,
Que je serais heureux, dans les maux qui m’oppressent,
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