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mémoire, sous la charge de cet invincible héros, monseigneur le comte de Harcourt, avec qui vous êtes lié d’une amitié si parfaite, finit glorieusement ses jours par les mains des Turcs en l’île de Can- die, il y a deux ans, étant colonel d’un régiment d’infanterie française au service de la sérénissime république de Venise, qui l’a trouvé digne de ses regrets, et qui m’a fait l’honneur de m’en faire écrire avec des termes et des louanges capables de me con- soler de sa mort ; et l’encre illustre qu’elle a daigné employer à cet efFet paie avec une usure très avan- tageuse pour moi et très reconnaissante pour lui le sang qu’il a répandu pour elle. Mais, Monseigneur, la perte de mes deux frères n’est pas la seule cause qui m’oblige à vous faire celte digression, que la douleur et la nature ne rendent que trop excusable et trop légitime. J’ai encore d’autres raisons de res- sentiment à joindre à celle-là. Feu mon père, qui commanda autrefois, par l’espace de vingt-deux années, une escadre des vaisseaux d’Elisabeth, reine d’Angleterre, en fut trois tout entières prisonnier dans la Tour-Noire, à Constantinople ; et, comme s’il y avait quelque fatalité barbare secrètement affec- tée à la destruction de notre famille, peut-être parce qu’elle porte le nom de ce grand Gérard qui fut le célèbre instituteur de ce bel ordre des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, ordre si redoutable à ceux qui professent l’infidèle secte de Mahomet, un de