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LETTRES ET PRÉFACES 233

de faire épanouir la rate de bonne grâce aux honnê- tes gens, on ne touchera ni on ne fera rire que les crocheteurs. Aussi les plus habiles de cette nation ont bien changé de sentiment depuis qu’ils ont vu la Secchia rapita du Tassoni où riiéroùjue brille de telle sorte, et est si admirablement confondu avec le burlesque, qu’il y en a quelques-uns qui, par un excès de louange, osent bien la comparer à la divine Jérusalem du Tasse. Il est vrai que ce genre d’écrire, composé de deux génies si différents, fait un effet merveilleux ; mais il n’appartient pas à toutes sortes de plumes de s’en mêler, et, si l’on n’est pas maître absolu de la langue, si l’on n’en sait toutes les ga- lanteries, toutes les propriétés, toutes les finesses, voire même jusqu’aux moindres vétilles, je ne con- seillerai jamais à personne de l’entreprendre. Je m’y suis plu de tout temps, parce qu’aimant la liberté comme je fais je veux même avoir mes coudées franches dans le langage. Or, comme celui-là em- brasse, sans contredit, beaucoup plus de termes, de façons de parler et de mots que l’héroïque tout seul, j’ai bien voulu en prendre la place le premier, afin que, si quelqu’un y réussit mieux après moi, j’aie à tout le moins la gloire d’avoir commencé. On peut dire qu’il est de ces pièces comme de ces ballets grotesques qui, étant dansés d’ordinaire par les plus excellents baladins sur les airs du mouvement le plus admirable, plaisent plus aux spectateurs, avec