Page:Saint-Amant - 1907.djvu/216

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le monstre, toutefois, étourdi de l’atteinte. Qui sur son fron t de roche avait fait quelque empr ei nte, Demeure quelque temps sans se mettre en devoir D’opposer force à force et pouvoir à pouvoir ; Mais soudain la fierté, le dépit et la rage. Portant sa course à l’homme et sa gueule à l’outrage, Réveillent sa vengeance, et de l’acier pointu Lui font même assaillir l’eftroyable vertu. Il le prend, il le mord ; Elisaph le tient ferme, Tâche de l’enfoncer dans l’ire qui l’enferme. Pousse, tire, repousse, enfin l’arrache aux dents, Se remet en posture et l’offre aux yeux ardents.

Mérary, d’autre part, qui, voyant le reptile, Ne veut pas être vu spectateur inutile, Et qui, bien que plein d’âge, est assez vigoureux Pour répondre au dessein d’un acte généreux, Se prépare au secours, se fait une massue D’une branche de pin encor toute moussue. Sa forte épaule en charge, et, suivit des deux chiens Qui des deux grands troupeaux sont les braves soutiens Avec deux ichneumons et fiers et domestiques. Dont l’ennemi cruel redoutait les pratiques. Joint le vaillant pasteur, et le voit démarcher Comme son arme aux dents il venait d’arracher.

A ce renfort subit, l’âpre monstre s’arrête ; Il regarde, il découvre et l’une et l’autre bête Que de nature il hait, et que l’aversion Ne peut voir par ses yeux qu’avec émotion.