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Craindras-tu de commettre à sa puissante garde
Cet enfant que sur l’onde il faut que l’on hasarde ?
Et pourras-tu douter, après le signe vu,
Qu’à ses tendres besoins sa grâce n’ait pourvu ?…

D’un si grave discours enfin persuadée,
Jocabel se résout à la foi demandée,
Surmonte ses douleurs, étouffe ses regrets,
Retient de ses soupirs les mouvements secrets,
Et, commandant soudain à la jeune Marie
Qu’elle mît son troupeau hors de la bergerie,
Tandis qu’à les guider Amram se disposait.
Prend le doux lit de jonc où l’enfant reposait ;
Et de peur que cet astre, à force de reluire,
Ne se trahît chez eux, et ne les fît détruire.
Sortent tous trois ensemble, et, tirant vers les eaux,
Vont en fier l’éclat à l’ombre des roseaux.

Dans la verte épaisseur de ces fragiles plantes
Qui poussaient hors du Nil leurs têtes chancelantes,
S’entr’ouvrait par contoui’s une espèce de sein,
Qu’un favorable sort offrait comme à dessein
De recevoir l’enfant, et garder que sur l’onde
Le courant ne rendît sa barque vagabonde ;
De joncs et de glaïeuls il était renferme,
Et l’art même à propos semblait l’avoir formé.

Sitôt qu’en cet asile ou eut mis la nacelle,
Amram dresse ses pas où le travail l’appelle ;
Et l’aimable bergère, errant à l’environ,
Laisse aller Jocabel revoir le tendre Aaron.