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L’histoire ou la moralité
Dans quelque venerable livre ;
Quelquefois, surpris de la nuit
En une plage où pour tout fruit
J’ay ramassé mainte coquille,
Je reviens au chasteau, resvant,
Sous la faveur d’un ver qui brille
Ou plustost d’un astre vivant.

Ô bon Dieu ! m’escriay-je alors,
Que ta puissance est nompareille
D’avoir en un si petit corps
Fait une si grande merveille !
Ô feu qui, tousjours allumé,
Brusles sans estre consumé !
Belle escarboucle qui chemines.
Ton éclat me plaist beaucoup mieux
Que celuy qu’on tire des mines,
Afin d’ensorceler nos yeux !

Tantost, saisi de quelque horreur
D’estre seul parmy les tenebres,
Abusé d’une vaine erreur,
Je me feins mille objets funèbres ;
lion esprit en est suspendu,
Mon cœur en demeure esperdu,
Le sein me bat, le poil me dresse,
Mon corps est privé de soustien,
Et, dans la frayeur qui m’oppresse,
Je croy voir tout, pour ne voir rien.

Tantost, delivré du tourment
De ces illusions nocturnes,
Je considère au firmament
L’aspect des flambeaux taciturnes ;
Et, voyant qu’en ces dous desers
Les orgueilleux tyrans des airs