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Où l’on voit sauter les grenouilles,
Qui de frayeur s’y vont cacher
Si tost qu’on veut s’en approcher.

Là, cent mille oyseaux aquatiques
Vivent, sans craindre, en leur repos,
Le giboyeur fin et dispos,
Avec ses mortelles pratiques.
L’un tout joyeux d’un si beau jour,
S’amuse à becqueter sa plume ;
L’autre allentit le feu d’amour
Qui dans l’eau mesme se consume,
Et prennent tous innocemment
Leur plaisir en cet element.

Jamais l’esté ny la froidure
N’ont veu passer dessus cette eau
Nulle charrette ny batteau,
Depuis que l’un et l’autre dure ;
Jamais voyageur alteré
N’y fit servir sa main de tasse ;
Jamais chevreuil desesperé
N’y finit sa vie à la chasse ;
Et jamais le traistre hameçon
N’en fit sortir aucun poisson.

Que j’ayme à voir la décadence
De ces vieux chasteaux ruinez,
Contre qui les ans mutinez
Ont deployé leur insolence !
Les sorciers y font leur sabat ;
Les demons follets y retirent,
Qui d’un malicieux ébat
Trompent nos sens et nous martirent ;
Là se nichent en mille troux
Les couleuvres et les hyboux.

L’orfraye, avec ses cris funebres,