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poëmes heroïques, dont parmy les modernes le Cavalier Marin[1] nous a donné les premiers exemples dans son livre intitulé La Sampogna. Ce sont des descriptions de quelques aventures celebres dans la Fable ancienne, qui s’appellent en grec Idilios, à ce que j’ay ouy dire : car, Dieu mercy, ny mon grec ny mon latin ne me feront jamais passer pour pedant ; que si vous en voyez deux ou trois mots en quelques endroits de ce livre, je vous puis bien asseurer que ce n’est pas de celuy de l’Université. Mais une personne n’en est pas moins estimable pour cela, et tous ceux qui sçauront que Homère, sans entendre d’autre langue que celle que sa nourrice luy avoit enseignée, n’a pas laissé d’emporter le prix sur tous les poëtes qui sont venus après luy, ne jugeront pas qu’un bon esprit ne puisse rien faire d’admirable sans l’ayde des langues estrangeres. Il est vray que la conversation familiere des honnestes gens, et la diversité des choses merveilleuses que j’ay veues dans mes

  1. Né à Naples en 1569, Marini, plus connu sous le nom de Cavalier Marin, cultiva de bonne heure la poésie, et fut de bonne heure, pour ce fait, chassé par son père. À Rome, il trouva l’appui du cardinal Pier Aldobrandini ; à Turin, il eut à soutenir d’ardentes discussions littéraires au sujet de la fâcheuse confusion qu’il avoit osé commettre de l’Hydre de Lerne et du Lion tué par Hercule. Dans sa haine jalouse, Murtola attaqua ses œuvres et même sa personne. Marini, sauvé par miracle, raconte ainsi dans l’Adone son aventure :

    Girò l’infausta chiave, e le sue strane
    Volgendo intorno e apaventose rote
    Abbassar fe la testa al fero cane
    Che in bocca tien la formidabil cote,
    Sicchè toccò le macchine inumane
    Onde avvampa il balen che altrui percote,
    E con fragore orribile e rimbombo
    Avventò contro me globi di piombo.

    Ma fosse pur del ciel grazia seconda
    Che innoncenza e bontà sovente aita ,
    Fui riserbato à più tranquilla vita.

    Marini obtint la grâce du coupable, lequel ne lui pardonna pas de l’avoir forcé à la reconnoissance, et l’accusa d’avoir composé contre le duc de Turin un poème, la Cuccagna, publié à Na-