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ADVERTISSEMENT AU LECTEUR.



Le juste despit que j’ay de voir quantité de petits poëtes se parer impudemment des larcins qu’ils ont faits dans les ouvrages qu’on a des-ja veus de moy, et la crainte que j’ay eue que quelque mauvais libraire de province n’eust l’effronterie de les faire imprimer sans mon consentement, comme j’en estois menacé, m’ont fait à la fin resoudre à les prevenir, plustost qu’aucun desir d’acquerir par là de la gloire : encore que, si j’en puis pretendre par mes vers, je ne suis pas si severe à ma reputation que je ne la veuille faire vivre qu’après ma mort. C’est une philosophie un peu trop scrupuleuse, et que pas un de tous ceux qui nous la preschent ne voudroit observer, s’il avoit fait quelque chose qui meritast de voir le jour. La louange qu’on nous donne quand nous ne sommes plus au monde nous est fort inutile, puis que nous ne nous en soucions plus ; au contraire, quand nous y sommes, le blasme nous peut servir à l’amendement : de sorte que, si l’on fait bien, il est très-raisonnable qu’on en reçoive le salaire durant la vie, et si l’on fait mal, on est encore en estat de s’en corriger. Quelques uns, poussez d’une humeur si jalouse du contentement d’autrui qu’ils voudroient que le soleil n’esclairat que pour eux, ont tasché de me dissuader de ce dessein, m’alleguant que les choses, pour excellentes qu’elles puissent estre, deviennent presque mesprisables depuis qu’on les rend communes ; mais quand ils me monstreront qu’on estime moins Ovide ou Horace (sans me comparer à eux) depuis qu’ils ont été imprimez qu’on ne faisoit lors qu’ils n’estoient écrits qu’à la main, je seray de leur avis. Après avoir assemblé toutes les pièces que j’avois composées, j’y ay remarqué une diversité qui, peut-estre, ne sera pas treuvée desagreable ; et particulierement j’ay pris quelque plaisir à de certains petits essais de