Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/514

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais je languis d’un mal qui l’os me cauterise,
Et pourrois triompher aux portes d’une eglise,
Montrant en pauvre diable une jambe de Dieu.

Illustre et cher Bruslon, cœur que ma peine touche,
Je ne puis plus pourtant faire la femme en couche
Dans le jeusne forcé dont j’ay suby les lois ;

Et malgré les douleurs que je souffre en ce membre,
La faim, qui, comme on dit, chasse le loup du bois,
Obligera le mien à sortir de ma chambre.



LE VOL NOCTURNE.

sonnet.


La nuit derniere, ayant la pance pleine
Du bon piot que j’ay tousjours chery.
Sur mon gousset on a fait la soury,
Le desenflant de sa gloire mondaine.

Cette action cauteleuse et vilaine
De mon tresor le fonds jaune a tary,
Et le beau lustre en est si desfleury
Que mon pauvre œil le reconnoist à peine.

Il est bien vray que j’en tenois un peu ;
Et que, pour m’estre eschauffé sur le jeu,
Je suis au bout de ma philosophie.

Dieux, qui voyez qu’on m’excroque en dormant
Auquel de vous faudra-t’il qu’on se fie,
Puis que Bacchus a trahy Saint-Amant ?