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Que de me rendre au sentier qu’elle prit
Quand, dans la pompe et dans l’esclat de reine,
Elle quitta l’inconsolable Seine,
Qui s’arrachoit ses cheveux de roseaux,
Et de ses pleurs enfloit ses propres eaux ;
Sachant de plus, par le rapport fidelle
Des doux zephirs qui furent avec elle,
Et, dans l’hyver, firent en son chemin
Croistre l’œillet, la rose et le jasmin,
Qu’en tous les lieux qu’elle orna de sa veue,
De tant d’amours et de charmes pourveue
(Miracle estrange, et qui pourtant a moy
Est de facile et de plausible foy),
Il est resté je ne sçay quoy d’aymable,
De lumineux, de doux, d’inexprimable,
De vif, de pur, d’odorant et de beau,
Qui tireroit mon ame du tombeau,
Et me pourroit guider en Varsovie
Pour aller là, de ma seconde vie,
Remercier l’illustre deité
Dont les seuls pas m’auroient ressuscité.
Mais, mon très-cher, avant que je me rende
Au beau chemin que ma gloire demande,
Avant qu’au gré du voyage permis
Pour voir les dieux je quitte les amis,
J’yray revoir une belle voliere,
D’une façon rare et particuliere,
Où les oyseaux dans la captivité
Ont toutesfois une ample liberté,
Et, croyans estre en leurs propres boccages
Après l’horreur de leurs estroittes cages,
Poussant leurs airs sous l’air à descouvert,
De vol en vol sautent de vert en vert,
Se font l’amour, s’appellent, se respondent,
Sont dispersez, se joignent, se confondent,