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Cher mot à moy bien plus, cher qu’un empire,
Et dont l’attente et m’ennuye et me plaist,
Et par l’espoir m’affame et me repaist,
J’yray soudain, à ces douces nouvelles,
Plus promptement que si j’avois des ailes,
Revoir la Seine aux bords tous defleuris
De ne voir plus louise dans Paris ;
J’yray descendre en l’aymable demeure
Du rare abbé qui languit et qui pleure
Pour mesme cause, et de qui la vertu
Contre son dueil en vain a combatu.
Tu m’entens bien, c’est en peu de paroles,
Le grand, le bon, le genereux Maroles[1],
Qui par sa plume, et par ses hauts discours,
Ravit les cœurs, et s’acquert tous les jours
Tant de renom, tant d’estime et de gloire,
Que feu son pere, admirable en l’histoire,
N’en eut pas tant, lors qu’en ce grand duel,
Pour l’ennemy dur, tragique et cruel,
Sa main poussa l’horrible coup de lance
Qui, d’une roide et brusque violance,
Le fier armet perça de part en part,
Et du triomfe honora son rempart.
Ainsi, party d’un arc avec justesse,
L’ailé roseau, qui bruit en sa vitesse,
Va transpercer par un effort aise
Le fresle blanc en un but opposé :
Ainsy plustost un aigu trait de foudre

  1. Michel de Marolles, abbé de Villeloin, un des amis et des bienfaiteurs de Saint-Amant, qu’il assista à ses derniers moments. — Mauvais traducteur d’ouvrages qu’il fait suivre souvent de curieux commentaires, l’abbé de Marolles a donné quelques ouvrages précieux, entre autres ses Mémoires, ses Quatrains et son Livre des peintres, publ. dans cette collection.