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De l’aigre haine oubliant les pratiques.
Ne font qu’un plat, et repos sur repos
Dans le sommeil s’entreprestent le dos ;
Par ce moyen un homme sous les chaisnes
Semble en ce lieu triomfer de ses gesnes ;
Bref, par cet aide il souffre sans gemir,
Vit sans manger, travaille sans dormir,
Rit, chante, joue, et dans son banc endure
Le vent, le chaud, la pluye et la froidure,
Sans que la honte ou la rigueur du sort
Excite en luy le souhait de la mort.
Mais, ô l’honneur des graves secretaires,
Que de ces bords marins et solitaires
Ma main salue, et pour qui mon esprit
Passe en ma plume et forme cet escrit !
C’est trop parlé d’une matiere infame,
Et je craindrois de meriter la rame
Si plus long-temps j’entretenois tes yeux
Sur un sujet à moy-mesme ennuyeux.
Qu’y feroit-on ? le caprice m’emporte,
Et quelques-fois l’ardeur en est si forte,
Que tout ainsy qu’un coursier indonté,
De quelque coup brusquement irrité,
S’est veu souvent, malgré son propre maistre,
Aller hanir où tonne le salpestre,
Et l’engager aux perils evidents
Des belliqueux et nobles accidents,
D’où par bon-heur il revient plein de gloire,
Et fait après haut sonner sa victoire,
Quoy qu’en son ame il en donne au hazart
La plus illustre et la meilleure part :
Tel ce demon, ce superbe genie,
Picqué du tande la belle manie
Qui le saisit, le possede et l’esmeut,
Se precipite où l’aspre fougue veut,