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Qui sous maint bois, des bras l’aspre supplice,
De-hache, rompt, fend le dos de la mer,
La pousse au loin, blanchit l’azur amer,
Le fait fremir à l’entour de la proue ;
L’onde en murmure, et le timon qui joue
Voit cent bouillons tournoyer après soy,
Comme enragez qu’il donne aux flots la loy.
À l’arriver, les antennes ailées,
Par mille mains sont aussy-tost calées ;
L’encre s’abisme, et le salut naval
Tonne et s’enfuit au creux d’un sombre val.
D’un mesme ton nostre bronze le paye ;
L’echo repart, et mugit et s’effraye,
Et tous ces bruits ensemble confondus
Rendent bien loin les Tritons esperdus.
Au mesme instant cet illustre que j’ayme
Jusqu’au degré fraternel et supreme,
Ce cher Tilly, ce noble gouverneur,
Qui dans les coups s’est acquis tant d’honneur,
Et qui d’un fort tant soit peu raisonnable
Feroit tout seul une place imprenable,
Apprend qui c’est, et s’en va recevoir
Un bon amy qui s’en vient au devoir.
L’accueil se fait d’une ame ouverte et libre,
Et tost après, dans ce port de Colibre,
Nous allons tous, en un certain batteau,
Voir à loisir le mobile chasteau.
[1]De tous costez les membres s’y remuent,
L’argent y siffle, et les forçats qui suent
Des durs travaux, et presens et souffers,
Font à ce bruit sonner leurs tristes fers.

  1. Description de ce qui se fait dans une galere quand elle arrive dans quelque port et que quelqu’un la va visiter. (S.-A.)